Avec Donald Trump, « un monde s’effondre »

La nouvelle carte électorale des Etats-Unis est éloquente. Tous les Etats de la rust belt, l’ancien cœur industriel du pays, le réservoir de voix traditionnel du Parti démocrate, ont tous tourné le dos à Hillary Clinton et voté pour Donald Trump. Ce sont les Etats des laissés pour compte de la mondialisation, les Etats de la désindustrialisation, des centre-ville en déshérence, des cols bleus qui ont perdu leur travail et souvent leur maison, ou qui ont peur de les perdre.
Ils ont voté contre la globalisation, contre les élites de Washington ou de Wall Street, contre tous ceux qui ont profité de la libéralisation des échanges et de la nouvelle économie. Contre les experts aussi qui avançaient des chiffres rassurants ; l’économie américaine crée chaque jour plus d’emplois qu’elle n’en détruit. Peut-être. Mais ce ne sont pas les mêmes emplois. Ils ne s’adressent pas aux mêmes salariés.
« Nous sommes en train de préparer un monde qui n’est pas fait pour le peuple », déclarait pendant la campagne électorale un dirigeant de start up de la Silicon Valley au journaliste du New York Times, Roger Cohen. Ce monde « s’effondre devant nos yeux. Un vertige » a tweeté après la victoire de Trump l’ambassadeur de France à Washington Gérard Araud, connu pour son franc-parler. Si franc que son tweet, peu conforme à la prudence diplomatique, a été vite effacé.
Après les Anglais de leurs régions appauvries qui ont assuré la victoire du Brexit contre Londres la cosmopolite, ce sont les bases sur lesquelles était fondé le monde de l’après-guerre froide qui chancellent. Le libéralisme, l’ouverture des frontières, le libre-échange, la montée en puissance des émergents devenus des concurrents pour les vieux pays industriels sont rejetés par des électeurs de plus en plus nombreux. Ils s’expriment d’autant plus violemment quand ils en ont l’occasion qu’on leur a rarement demandé leur avis. Ils cherchent des boucs émissaires en haut chez les élites mondialisées et les institutions, en bas chez les immigrés accusés de voler le travail des autochtones.
Le système international développé dans la période de l’après-guerre froide est miné à l’intérieur des Etats par le populisme. Il est attaqué à l’extérieur par les puissances autoritaires et révisionnistes, les « démocratures » soucieuses de retrouver un rang, au nom de valeurs traditionnelles opposées aux principes du libéralisme politique et de l’Etat de droit. Ne pas l’ignorer ne veut pas dire s’en accommoder.