Bruxelles appelle à la mobilisation en faveur des migrants

L’horreur des drames humains que provoque l’afflux de réfugiés aux frontières de l’Union européenne est un défi pour les dirigeants européens et pour les valeurs qu’ils défendent. Un sentiment d’urgence semble aujourd’hui les inciter à agir, après avoir beaucoup tergiversé, pour éviter de nouvelles tragédies. Mais ils restent divisés sur les méthodes à mettre en œuvre.

Opération de sauvetage en Méditerranée en 2014
Massimo Sestini, UK Halts support to mediterranean migrant rescue operation GFMD Civil Society

Les quelques dizaines de cadavres découverts en Autriche, non loin de la frontière hongroise, dans un camion frigorifique abandonné auront sans doute beaucoup fait pour convaincre les dirigeants européens qu’après des années de querelles et de tergiversations il était temps pour l’UE d’agir sérieusement afin d’éviter de nouveaux drames. Venant après les centaines de morts en Méditerranée, cet événement a renforcé le sentiment d’urgence face à l’afflux de réfugiés aux portes de l’Europe. « On ne peut pas continuer avec des minutes de silence après chaque tragédie », a lancé Federica Mogherini, qui participait à Vienne, avec Angela Merkel et d’autres responsables européens, à un sommet sur les Balkans.

La haute représentante de l’Union pour la politique étrangère a appelé, une fois de plus, les dirigeants de l’UE à adopter face à la question des migrations « une approche européenne » plutôt que de laisser chaque pays affronter seul les difficultés d’accueil ou de reconduite à la frontière. « La solution n’est pas de construire des murs et des miradors », a déclaré le chancelier autrichien, Werner Faymann, dans une claire allusion à l’attitude de la Hongrie. « L’Europe, qui est un continent riche, est capable, j’en suis intimement convaincue, de surmonter le problème », a souligné pour sa part la chancelière allemande, qui a invité les Etats membres à se mettre au travail « en faisant preuve de solidarité ».

Deux de ses ministres, Sigmar Gabriel et Frank-Walter Steinmeier, ont affirmé au même moment, dans Le Figaro, qu’il n’était plus possible de confier l’entière responsabilité de la situation à quelques Etats membres ni aux seuls Etats qui se situent à la frontière extérieure de l’Union. Au nom d’un meilleur partage de la charge, Berlin a même décidé de suspendre, en faveur des Syriens, l’application du règlement de Dublin, qui renvoie les demandeurs d’asile vers le pays par lequel ils sont entrés sur le territoire européen.

Respecter la solidarité européenne

Paris veut également sortir l’Europe de son « sommeil profond », pour reprendre une expression de Sigmar Gabriel. Avant même la macabre découverte sur l’autoroute autrichienne, François Hollande s’est associé à Angela Merkel pour demander un système unifié de droit d’asile et une répartition équitable des réfugiés. Après le drame, il a exprimé les mêmes demandes à l’issue d’un entretien avec le chancelier autrichien. Pour sa part, le premier ministre français, Manuel Valls, en se rendant à Calais en compagnie du premier vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, et du commissaire chargé des migrations, Dimitris Avramopoulos, a tenu à mettre l’accent sur la dimension européenne du problème tandis que Laurent Fabius, en jugeant « scandaleux » le comportement de la Hongrie, a réaffirmé l’engagement du gouvernement français en faveur d’une solution qui respecte la solidarité européenne.

Ces déclarations témoignent d’une prise de conscience nouvelle dans la plupart des capitales européennes. Suffira-t-elle pour que l’Union européenne passe enfin des paroles aux actes et se donne les moyens de surmonter les divisions politiques qui la paralysent depuis de nombreuses années ? Rien n’est moins sûr. Les pays d’Europe de l’Est, en particulier, tels que la Hongrie, la Pologne, la République tchèque ou la Slovaquie, campent sur des positions intransigeantes. Ils refusent tout système de quotas destiné à organiser le partage de la charge. Quant aux pays d’Europe de l’Ouest, dont la France, ils doivent tenir compte d’une opinion publique qui manifeste, par son soutien aux formations populistes, son inquiétude face à l’arrivée massive d’étrangers à leurs frontières.

Il faudra beaucoup d’habileté aux gouvernements européens pour conjuguer les mots d’ordre d’ « humanité », de « responsabilité » et de « fermeté » énoncés par Manuel Valls et pour faire admettre à leurs populations que les chiffres sont parfaitement « gérables », comme l’a dit Frans Timmermans, par un continent de 500 millions d’habitants. « Nous ne refoulerons jamais ceux qui ont besoin de protection », a affirmé le vice-président de la Commission européenne, qui a annoncé une aide accrue de l’institution bruxelloise, plaidé pour « un mécanisme permanent de répartition des demandeurs d’asile » et invité les Européens à rester fidèles à leurs valeurs.

Cet appel à la mobilisation vise à mettre fin aux atermoiements de l’Union européenne face à l’immigration. La Commission s’efforce de jouer sur ce dossier un rôle moteur. La bonne volonté affichée par l’Allemagne et la France est encourageante. Une partie des dirigeants européens semble avoir compris, comme l’a dit, parmi d’autres, le premier ministre espagnol, que l’afflux des demandeurs d’asile est le plus grand défi qui se présente à l’Union européenne dans les prochaines années et qu’il appelle, en urgence, une réponse européenne. Il reste à en convaincre ceux des Etats membres qui refusent l’effort commun.