COP 21 : Accélérer la transition énergétique mondiale

Alors que la CPO21 a été ouverte, le lundi 30 novembre par les chefs d’Etats et de gouvernement de 150 pays, l’Institut Jacques Delors a publié la tribune de deux chercheurs pour qui le changement climatique constitue le défi majeur du 21e siècle. Porteur de menaces, il est aussi l’occasion de transformer nos systèmes énergétiques pour créer de l’emploi et favoriser une transition énergétique mondiale plus respectueuse de l’environnement, de la santé et de la dignité humaines. La transition énergétique a déjà commencé

COP21

Ce qui importe aujourd’hui pour la COP21 est d’envoyer un signal fort afin de l’accélérer. Après la COP21, l’Union Européenne doit construire son Union de l’énergie pour atteindre ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre (-40% d’ici 2030), et être acteur de la transition énergétique mondiale.

1.Le changement climatique et la transition énergétique ont déjà commencé.

La science est claire, le changement climatique a déjà commencé. Les températures augmentent : 2014 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée par l’Homme et 2015 l’est pour l’instant encore plus.
Les effets du changement climatique sont déjà graves. Ils augmentent les risques d’insécurité internationale, avec par exemple des sécheresses qui ont favorisé le déclenchement de la guerre en Syrie. Ils entraînent également des conséquences économiques importantes, comme le montre l’ouragan Sandy de 2012 dont environ 30% des coûts sont imputables au changement climatique. Il est temps de regarder la réalité en face. Agir pour le climat n’est plus un acte altruiste qui devrait être fait « pour nos enfants ». Agir pour le climat, c’est désormais agir pour notre intérêt personnel bien compris, pour contrer les menaces et créer des emplois.
Des actions déterminantes doivent donc être prises aujourd’hui, et s’inscrire dans une vision de long terme. La vision de long terme est le changement de nos sociétés afin que les activités humaines n’émettent quasiment plus de gaz à effet de serre. Pour cela, nous devons entièrement reconstruire nos secteurs énergétique et agricole/forestier dans la mesure où ils représentent respectivement 75% et 25% des émissions humaines de gaz à effet de serre. Heureusement, la transition énergétique a déjà commencé. Il s’agit du passage d’un vieux système vers un nouveau. Le vieux système est très polluant car il repose sur l’utilisation intensive de charbon, de pétrole et de gaz. Le nouveau est peu polluant car il utilise l’énergie de manière efficiente et repose davantage sur des sources d’énergie renouvelables.
Cette transition énergétique apporte des avantages économiques considérables. L’économie verte fournit déjà des millions d’emplois de qualité à travers le monde. Des milliers d’investisseurs et d’entreprises adaptent leur modèle d’affaire à la transition énergétique. Cette dynamique a lieu à travers le monde, de l’Europe au Brésil, des États-Unis à l’Inde. Partout, des millions d’individus agissent. Même les autorités religieuses catholiques et musulmanes incitent leurs 2,6 milliards de fidèles à adopter un mode de vie plus respectueux de l’environnement.
Ces initiatives ont maintenant besoin d’être encouragées par des signaux émanant des décideurs politiques à l’ONU, au G20 et à la COP21.

2.La COP21 doit envoyer des signaux forts en vue d’accélérer la transition énergétique

La transition énergétique ne sera pas faite par les hommes politiques, mais par les individus et les entreprises. La véritable question qui se pose aux dirigeants durant la COP21 est donc simple : allez-vous accélérer ou ralentir la transition énergétique ?

Trois décisions-clés peuvent fournir un signal clair :

•Une suppression progressive et socialement acceptable des subventions aux énergies fossiles. Un enjeu majeur de la COP21 est de trouver 100 milliards de dollars chaque année pour le Fonds verts pour le climat, afin d’aider les pays pauvres à atténuer et s’adapter au changement climatique. Cet argent peut venir de la fin des subventions aux énergies fossiles, subventions qui coûtent 550 milliards de dollars d’argent public et entraînent 5.000 milliards de dollars de pertes économiques (soit plus que le PIB du Brésil et de l’Inde réunis).

• Prix du carbone. Fixer un prix au CO2 permettra d’accélérer l’émergence d’une économie verte. Si les modalités de fixation du prix demeureront une prérogative nationale (p.ex. marché vs. taxe), une déclaration internationale non-juridiquement contraignante sur le prix du carbone doit se faire pendant ou après la COP21.

• Un objectif « zéro émission » explicite. Il faut inscrire dans le marbre des accords internationaux notre objectif commun de long terme : un monde où les activités humaines n’émettent plus de gaz à effet de serre.
Pour que ces signaux puissent réaliser tout leur potentiel, l’accord de la COP21 doit être aussi politiquement contraignant que possible et comporter un processus de suivi des promesses et une clause de revue pour augmenter le niveau d’ambition tous les cinq ans.

3. Après la COP21 : construire une Union de l’énergie qui accélère la transition énergétique mondiale

L’Europe a une responsabilité historique et morale face au changement climatique. Suite à une proposition de l’Institut Jacques Delors, l’Union Européenne est désormais en train de construire son Union de l’énergie. C’est l’occasion de faire de l’UE un acteur majeur de la transition énergétique mondiale en se concentrant sur trois éléments-clés :
• Verdir l’aide publique de l’UE et des États Membres, qu’elle s’investisse en Europe ou dans le monde. En règle générale, tout projet financé par des aides publiques devrait limiter son impact sur le changement climatique, tout en s’adaptant à une planète dont la température augmenterait de 2°C. Pour le secteur de l’électricité, l’UE devrait s’assurer, à l’instar de la Banque Européenne d’Investissement, qu’aucune aide publique ne soit attribuée à la production d’électricité à l’aide de pétrole et de charbon.
• Fixer un véritable prix du carbone au sein même de l’UE. Le marché du carbone de l’UE (SCEQE) est dysfonctionnel et doit être réformé en envisageant des mesures de taxation de facto, comme l’établissement d’un prix plancher. Les États membres devraient également harmoniser leurs régimes de taxation de l’énergie. Enfin, l’UE devrait commencer à se soucier du carbone importé, c’est-à-dire des émissions provenant de marchandises produites en dehors de l’UE mais consommées en son sein.
• Recherche & Innovation. Les émissions de gaz à effet de serre au sein de l’UE ne repré- sentent actuellement que 11% des émissions mondiales. Le principal impact climatique que peut avoir l’UE demeure donc en dehors de ses frontières. Le développement de technologies de pointe stimulera la compétitivité européenne et créera des emplois tout en permettant au monde entier de s’engager plus avant sur la voie de la transition énergétique. Et les nouvelles technologies seront plus facilement déployées si l’innovation sociale est elle aussi solidement soutenue.
Il convient d’avoir des attentes raisonnables vis-à- vis de la COP21. Les dirigeants mondiaux ne sont pas omnipotents et la plupart d’entre eux comprennent mal les enjeux climatiques. Beaucoup perçoivent la COP21 comme ils percevraient toute autre rencontre internationale : une compétition pour savoir qui sont les meneurs et qui sont les suiveurs dans le monde d’aujourd’hui. Ils semblent ainsi oublier que nous vivons tous sur la même planète et que, d’une façon ou d’une autre, nous serons tous perdant si la COP21 se soldait par un échec.
Les solutions existent déjà. Elles proviennent du terrain, d’individus, de chercheurs, d’ONG, de collectivités locales et d’entreprises. Durant et après la fin de la COP21, les dirigeants du monde entier doivent signifier clairement qu’ils souhaitent que la transition énergétique ait lieu, et le plus tôt sera le mieux.