L’Europe, cette inconnue

Toute le monde — ou presque — parle de "relancer" l’Europe. Le président de la Commission Jean-Claude Juncker, comme son collègue du Conseil européen, Donald Tusk, ont avancé un calendrier. Celui-ci reprend en partie les propositions d’Emmanuel Macron, tout en limitant leur ampleur. Francis Gutmann, ambassadeur de France, s’interroge sur la pertinence de ces discussions et se prononce pour une démarche plus réaliste.

Réformer, refonder l’Europe, certes, ni ses pays, ni le monde ne sont plus ce qu’ils étaient il y a soixante ans. Mais de quelle Europe s’agit-il ?

Une Europe nation ? Il faut des siècles pour former une nation, l’Europe est une famille, elle n’est pas une nation.

Une Europe puissance ? Comment en serait-elle une, alors qu’avec vingt-sept membres aux vues et aux intérêts souvent différents, elle ne peut pas avoir une véritable politique étrangère à l’échelle du monde, et que d’autre part tous ses membres ne sont pas prêts à l’effort d’une défense commune.

Alors, une Europe économique, écologique, un peu sécuritaire ? Ce ne serait déjà pas si mal ! Mais un pays ne peut pas y jouer tout son destin et, au demeurant, cette Europe elle-même, quelle est-elle ?

Est-elle à vingt-sept ou bien limitée aux membres de la zone euro ? Aux institutions de l’Union européenne, qui ont déjà souvent tendance à se chevaucher, va-t-on ajouter des institutions propres à la zone euro ? Pense-t-on vraiment que l’Europe à vingt-sept survivrait avec des citoyens qui seraient ainsi de deuxième classe ? Ou bien va-t-on faire une Europe à plusieurs vitesses ? Elle n’est pas un club sportif où chacun choisit ses disciplines.

L’Europe est nécessaire à la France. Mais c’est la condamner à terme que de continuer à y voir comme un mythe au lieu de dégager objectivement les solidarités existant vraiment entre tous ses membres afin d’en faire une communauté vivante et pérenne.