La Moldavie choisit Bruxelles contre Moscou

En Moldavie, la coalition de la droite, qui plaide pour le renforcement de l’association avec l’Union européenne, l’a emporté sur le bloc de gauche, qui privilégie un rapprochement avec la Russie. Le premier ministre sortant, Iurie Leanca, devrait donc être confirmé dans ses fonctions. Toutefois la pression russe demeure forte dans un pays divisé, dont une province, la Transnistrie, a proclamé son indépendance avec le soutien de Moscou.

Le voisins de la Russie
d’après la FAZ du 27 novembre 2014

Iurie Leanca, 51 ans, premier ministre de Moldavie, a gagné son pari : au terme des élections législatives du 30 novembre, il devrait être reconduit dans ses fonctions à la tête d’une coalition pro-européenne dirigée par son propre parti, le Parti libéral-démocrate (PLDM). Avec 54 sièges au Parlement de Chisinau et environ 45% des suffrages, l’alliance du Parti libéral-démocrate, du Parti démocrate et du Parti libéral devance en effet le bloc de gauche formé par le Parti socialiste et le Parti communiste, qui obtiennent 47 sièges et près de 39% des voix. Nommé à la tête du gouvernement par le président Nicolae Timofti en avril 2013 après le succès d’une motion de censure contre son prédécesseur, Vlad Filat, également membre du PLDM, Iurie Leanca conserve donc une majorité qui doit permettre à la Moldavie de renforcer ses liens avec l’Union européenne plutôt que de se tourner vers la Russie.

C’est sur ce thème que se sont jouées les élections. D’un côté, le gouvernement sortant, sous la conduite de Iurie Leanca, ancien diplomate formé au célèbre Institut d’Etat des relations internationales de Moscou, ancien ministre des affaires étrangères et de l’intégration européenne dans le cabinet de Vlad Filat, a défendu son bilan pro-européen, marqué par la signature, en juin, d’un traité d’association avec l’Union européenne. De l’autre, une gauche résolument pro-russe a plaidé pour un rapprochement avec Moscou et exprimé son refus d’une évolution de la Moldavie vers l’Europe. L’ancien ministre Igor Dodon, chef de file du Parti socialiste, arrivé de peu en tête du scrutin, est désormais le numéro un de l’opposition. Le Parti socialiste a devancé en effet le Parti communiste de l’ancien président de la République Vladimir Voronine, longtemps dominant.

Le débat est d’autant plus vif entre pro-européen et pro-russes que le pays est menacé de démembrement, comme l’Ukraine voisine. A l’Est, la république sécessionniste de Transnistrie a déclaré son indépendance en 1991, avec le soutien de Moscou, qui en a pris le contrôle militaire. Au Sud, la région autonome de Gagaouzie ne reconnaît pas l’autorité de l’Etat moldave. Ces deux rébellions donnent à la Russie des moyens de pression sur la Moldavie, qui souffre déjà des sanctions commerciales russes sur ses exportations de vin, de fruits et de viande. Le vice-premier ministre russe Dmitri Rogozine, toujours prompt à dénoncer les adversaires présumés de la Russie, a aussitôt contesté la régularité des élections moldaves en notant qu’un parti pro-russe a été empêché de concourir et que les Moldaves vivant à l’étranger n’ont pas pu s’inscrire comme ils le voulaient sur les listes électorales.

La tactique de la Russie à l’égard de ce petit pays de 3,5 millions d’habitants, ancienne principauté roumaine annexée à l’URSS au lendemain de la deuxième guerre mondiale et devenue l’une des quinze républiques fédérées de l’Union soviétique, ressemble à celle qu’elle applique à l’Ukraine, faite d’intimidations, de manœuvres, de tentatives de déstabilisation et, le cas échéant, d’interventions militaires, ouvertes ou déguisées. Comme l’Ukraine, la Moldavie vient de dire non à Moscou. « Le meilleur choix de la Moldavie, c’est la démocratie et l’Union européenne », a affirmé le président du Parti libéral, Mihai Ghimpu, au lendemain du scrutin. Réponse d’Igor Dodon, président du Parti socialiste : « Nous souhaitons que notre avenir soit stable aux côtés de nos partenaires traditionnels, nous serons ensemble avec la Russie ».

En dépit de leur victoire, les pro-européens ne disposent au Parlement que d’une faible majorité. Rien n’est donc acquis pour la majorité au pouvoir. « L’Union européenne se tient à vos côtés aujourd’hui plus que jamais », avait déclaré Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, à l’occasion de la signature des accords d’association avec la Moldavie, l’Ukraine et la Géorgie. Moscou avait alors lancé une mise en garde contre les « graves conséquences » de ces accords. L’accord avec la Moldavie a été ratifié le 12 novembre par le Parlement européen. Son application doit permettre d’accélérer la modernisation du pays. Elle déterminera en grande partie l’avenir du nouveau gouvernement de Iurie Leanca et des forces qui le soutiennent.