La stabilité démocratique de l’Europe, enjeu du combat contre Daech

Après les attentats de Paris, le sommet du G20 réuni à Antalya en Turquie, a annoncé une lutte coordonnée des grandes puissances contre le terrorisme. Il a été aussi l’occasion d’un aparté de quelques minutes entre Barack Obama et Vladimir Poutine à propos de la Syrie. Les deux présidents sont tombés d’accord pour poursuivre la recherche d’une solution politique.

Jeudi 12 novembre à Borj al-Brajné, un quartier populaire de la banlieue sud de Beyrouth majoritairement de confession chiite, un double attentat-suicide occasionnait la mort de 43 personnes et faisait plus de 240 blessés. Cette opération criminelle aurait pu être plus meurtrière encore si l’un des kamikazes n’avait été freiné dans son attaque par un habitant du quartier qui s’est jeté sur lui, au mépris de sa vie, avant qu’il n’atteigne la Husseiniyé (mosquée chiite) pour se faire exploser au milieu de la foule.
Cette opération, revendiquée par l’organisation « Etat islamique », contre un bastion du Hezbollah, intervenait au lendemain d’un accord entre les différentes parties libanaises, à Riyad, pour paver la voie à l’organisation de l’élection du président de la République par le Parlement libanais, après dix-huit mois de vacance à la tête de l’Etat.

Après Beyrouth, Paris

Vendredi 13 novembre vers 21h20, en banlieue nord de Paris, un commando s’attaquait au Stade de France où se déroulait un match amical de football entre la France et l’Allemagne en présence du président François Hollande, du ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve et d’un public de 80 000 personnes. L’opération est un échec et les trois kamikazes périssent avant de pouvoir perpétrer un carnage. Quelques minutes plus tard, une voiture immatriculée en Belgique déposait trois djihadistes devant la salle de concert du Bataclan, dans le 11e arrondissement de Paris. Entretemps, un groupe de trois autres djihadistes arrosaient aveuglément à la mitraillette des clients installés à la terrasse de trois restaurants du quartier des 10ème et 11ème arrondissements faisant une vingtaine de morts et de nombreux blessés.
Au Bataclan, les trois criminels procédaient de la même façon en criblant de balles les spectateurs réunis pour écouter un concert de rock. L’ensemble de ces opérations criminelles a causé la mort de 132 personnes et fait plus de 350 blessés dont une centaine dans un état d’urgence absolue.
L’onde de choc paralyse la France dans l’effroi et se répercute à travers le monde. L’état d’urgence est décrété ainsi qu’un deuil national de trois jours.
L’opération est revendiquée par l’organisation « Etat islamique ».
Dès dimanche soir 15 novembre, une douzaine d’avions militaires français larguent leurs bombes sur la ville de Raqqa, au nord-est de la Syrie, « capitale » auto-proclamée de l’Etat islamique. Le porte-avions Charles-de-Gaulle, qui se dirige vers les eaux territoriales syriennes, devrait, dès qu’il sera sur zone, apporter un appui conséquent aux frappes militaires contre Daech et plus particulièrement contre le groupe de djihadistes français et francophones dirigé par Salim Benghalem, fortement soupçonné d’être responsable des attaques de janvier et de novembre à Paris.

Moscou et Téhéran, des interlocuteurs incontournables

Ces opérations militaires interviennent alors que des négociations avaient débuté le 30 octobre à Vienne entre la coalition occidentale (Europe, Etats-Unis, Arabie saoudite et Turquie) et la Russie, auxquelles l’Iran a participé pour la première fois.
D’autre part, le président iranien Hassan Rohani devait effectuer une visite officielle en France le lundi 16 novembre. Cette visite, qui devait consacrer le rapprochement amorcé entre Paris et Téhéran, a été reportée sine die. Elle devait précéder une visite officielle du président Hollande à Beyrouth pour faciliter l’organisation de l’élection présidentielle suite au compromis trouvé à Riyad le 11 novembre.
Pour ce qui est du conflit syrien, un plan de sortie de crise a été proposé par la Russie le 14 novembre lors de la deuxième réunion de Vienne. Il stipule le maintien au pouvoir de Bachar el Assad dans une période de transition qui devrait durer dix-huit mois et l’organisation d’élections législatives et présidentielle supervisées par l’ONU. Ce plan a été rejeté par la coalition occidentale, mais les négociations ne sont pas rompues pour autant. Moscou et Téhéran ont réussi à s’imposer comme des interlocuteurs incontournables dans la crise qui déchire la Syrie depuis quatre ans et demi.
La Russie, qui a subi également une attaque terroriste contre un avion civil de sa flotte aérienne et a déploré la mort de 224 de ses ressortissants – des touristes revenant d’un séjour de vacances dans la ville égyptienne de Charm el Cheikh, sur la mer Rouge, le 31 octobre – est particulièrement soucieuse de combattre le groupe Daech (qui comprend plusieurs milliers de ses ressortissants originaires du Caucase). Dans les premières semaines de son intervention aérienne en Syrie elle avait concentré ses frappes sur les autres groupes hostiles à Bachar el Assad.
Moscou et Téhéran estiment que le maintien d’Assad au pouvoir est indispensable pour éviter l’effondrement de l’Etat. Parties prenantes du conflit, puisqu’elles déploient des troupes au sol – en particulier l’Iran —, elles cherchent à parrainer une période de transition qui associerait une opposition « acceptable » au pouvoir actuel.
La coalition occidentale a la faiblesse de ne pas avoir de troupes au sol et de ne pas pouvoir s’appuyer sur des mouvements d’opposition crédibles vu la prolifération de groupes armés à idéologie islamiste. Mais on estime qu’un accord sur la Syrie permettrait aux deux coalitions opposées de s’unir dans la lutte contre l’organisation transfrontière Daech.

Le Liban et la sortie de crise

L’impasse actuelle des négociations sur la Syrie n’empêche pas de trouver une solution au Liban qui pourrait constituer un compromis à la portée des coalitions saoudo-occidentale et libano-iranienne qui parrainent les parties libanaises en conflit. Ce compromis pourrait faciliter les négociations sur la Syrie.
Les attentats de Beyrouth et de Paris sont destinés à perturber ce scénario de sortie de crise.
En portant son message sanglant au cœur de l’Europe, l’organisation « Etat islamique » cherche à placer le conflit sur le terrain confessionnel.
La réponse des parties prenantes au conflit qui déchire l’ensemble du Proche-Orient, menaçant également l’Afrique et l’Asie centrale, déterminera la stabilité de l’Europe et le maintien de la démocratie.
Tel est l’enjeu du défi lancé par le totalitarisme de l’« Etat islamique » autoproclamé.