Les Américains peinent à rassurer les Européens sur les intentions de Trump

La conférence annuelle sur la sécurité, qui s’est tenue à Munich du 17 au 19 février, a été l’occasion pour les nouveaux responsables américains de la politique étrangère de faire leurs premiers pas en Europe. Ils avaient la lourde tâche de rassurer les Européens sur l’engagement des Etats-Unis après les déclarations contradictoires de Donald Trump. C’est peu dire qu’ils n’ont pas complètement réussi.

Le siège de la conférence sur la sécurité à Munich
Michael Dalder/Reuters

Réunion des ministres de l’OTAN à Bruxelles, des ministres des affaires étrangères du G20 à Bonn, conférence sur la sécurité à Munich, les membres de la nouvelle administration américaine se sont succédés en Europe pour tenter d’expliquer à leurs alliés – et au chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov – la politique extérieure de Donald Trump. Ce n’était pas chose facile tant le nouveau président a multiplié les déclarations contradictoires, non seulement pendant la campagne électorale mais aussi depuis qu’il est entré à la Maison blanche.
Entre l’affirmation que l’OTAN est « obsolète » et l’engagement américain en Europe, entre les clins d’œil appuyés à Vladimir Poutine et la dénonciation de l’annexion de la Crimée, les amabilités à l’égard de Taïwan et la reconnaissance du principe d’une seule Chine, l’abandon de la solution des deux Etats dans le conflit israélo-palestinien et la mise en garde contre la poursuite de la colonisation, il est difficile de s’y reconnaître. Les envoyés de Donald Trump en Europe ne sont pas mieux lotis que leurs interlocuteurs.

Incompétence ou tournant idéologique ?

Les déclarations désordonnées du président américain sont-elles la simple manifestation de sa versatilité et de son incompétence ? Ou cachent-t-elles une doctrine cohérente en rupture avec la tradition de la diplomatie américaine de ces dernières décennies fondée sur l’alliance transatlantique et l’unification de l’Europe ? La réponse reste en suspens.
L’incertitude ouvre une brèche dans la coopération transatlantique. A Munich, Sergueï Lavrov a mis le doigt sur la plaie. Il a appelé à une « désoccidentalisation » des relations internationales. C’est l’objectif poursuivi par Vladimir Poutine. Le président russe ne se contente plus de revendiquer un rôle digne du statut de la Russie dans un système qui a été créé par les Occidentaux après la Deuxième guerre mondiale. Il veut en définir un autre, qui ne soit pas marqué par des normes essentiellement occidentales, même si celles-ci n’ont pas toujours été respectées par leurs inspirateurs.
La tentation isolationniste du nouveau président américain est pour le Kremlin une occasion bien venue. Exemple, la guerre en Syrie. Où sont les Etats-Unis dans la négociation d’Astana ? s’est demandé l’envoyé spécial de l’ONU, Staffan de Mistura, en déplorant l’absence physique et intellectuelle des diplomates américains dans les pourparlers parrainés par la Russie et la Turquie.

"Burden sharing"

Le leitmotiv des représentants américains à Munich censé réconcilier les déclarations contradictoires de Donald Trump a été le suivant : les Etats-Unis sont toujours attachés à l’Alliance atlantique mais les Européens doivent prendre leur juste part dans les dépenses militaires de l’OTAN. L’objectif de 2% du PIB consacrés au budget de la défense doit être pris au sérieux par les alliés alors que seuls quelques pays le respectent actuellement. En soi, la demande américaine n’est pas nouvelle. Le thème du burden sharing (le partage du fardeau) est récurrent au moins depuis les années 1970. Il prend un relief particulier quand le président américain va répétant qu’il n’y aura plus de place pour les « passagers clandestins » (free riders). Outre les Européens, les Japonais sont aussi visés par cet avertissement car Donald Trump considère qu’ils se sont enrichis en laissant les Etats-Unis payer pour leur sécurité. Il est revenu au vieil adversaire républicain de Donald Trump, le sénateur John McCain, de rassurer les Européens. Il ne faut pas passer les Etats-Unis par profits et pertes, a-t-il dit.
L’Allemagne, qui est l’hôtesse traditionnelle de la conférence sur la sécurité, a promis de respecter ses engagements en matière de budget militaire et a mis en avant les efforts déjà réalisés en ce sens. La chancelière Angela Merkel et la ministre de la défense Ursula von der Leyen ont livré un double message : l’Allemagne est prête à assumer plus de responsabilités au sein d’une alliance qui doit rester fondée sur des intérêts communs et des valeurs partagées. Depuis l’élection de Donald Trump, Angela Merkel ne perd pas une occasion de rappeler l’importance des valeurs de la démocratie libérale, souvent malmenées par le nouveau chef de la Maison blanche.

Un air de campagne électorale

La tonalité du discours prononcé à Munich par le nouveau ministre allemand des affaires étrangères était sensiblement différente. Sigmar Gabriel, qui a succédé à Frank-Walter Steinmeier élu à la présidence de la République fédérale, a mis en garde contre une nouvelle course aux armements. Il ne faut pas « surinterpréter » le principe des 2%, a-t-il affirmé , en citant l’exemple de la Grèce qui respecte cette norme mais est incapable de payer ses retraités.
Un petit air de campagne électorale flotte dans ces propos de l’ancien président du Parti social-démocrate qui a laissé son poste – et la tête de liste pour les élections générales du 24 septembre – à Martin Schulz. Le SPD est en train de gagner des points sur la démocratie chrétienne. Il ne risque pas d’en perdre en jouant sur les réticences de l’opinion allemande vis-à-vis de l’armée.