Les Baltes en première ligne face à la Russie

Au moment où la Lettonie prend la présidence tournante de l’Union européenne, la crise ukrainienne donne aux trois pays baltes, pointe avancée de l’Europe aux frontières de la Russie, un rôle particulier. Ils symbolisent la résistance européenne aux visées expansionnistes de Vladimir Poutine. En entrant à son tour dans la zone euro, la Lituanie réaffirme face à Moscou son ancrage au camp occidental.

La nouvelle guerre froide entre l’Europe et la Russie provoquée par la crise ukrainienne met en première ligne les trois Etats baltes – Estonie, Lettonie, Lituanie – qui sont membres de l’Union européenne depuis 2004 après avoir fait partie, pendant un demi-siècle, de l’ex-Union soviétique.
Ces trois petits pays, dont la population totale est de 6,3 millions d’habitants, redoutent d’être les prochaines cibles de l’expansionnisme de Moscou. Au moment où l’Ukraine doit faire face à l’occupation d’une partie de son territoire par les troupes russes, ils sont devenus le symbole de la résistance à la politique agressive de Vladimir Poutine à l’égard des anciens satellites de la Russie.

L’euro lituanien
site de la République lituanienne

Les Etats baltes ont choisi Bruxelles contre Moscou. Ils voient dans leur appartenance à l’Union européenne la garantie de leur sécurité. En même temps, le soutien que leur apporte l’UE peut être considéré comme un message de fermeté adressé au chef du Kremlin. Toute atteinte à l’intégrité territoriale d’un de ces pays par les forces militaires de Moscou serait pour les Européens un casus belli. Pointe avancée de l’Union aux frontières de la Russie, les Etats baltes, qui ont reconquis leur indépendance au lendemain de la dissolution de l’URSS et qui sont tous trois membres de l’OTAN, sont les acteurs-clés de la politique orientale de l’UE. En 2015, plusieurs événements significatifs viennent renforcer leur place dans la construction européenne.

Il y eut d’abord la constitution de la nouvelle Commission européenne. Son président, Jean-Claude Juncker, a choisi de confier deux importantes vice-présidences à deux personnalités baltes. L’ancien premier ministre estonien Andrus Ansip a été nommé vice-président chargé du marché unique numérique et l’ancien premier ministre letton Valdis Dombrovskis chargé de l’euro et du dialogue social.
La nouvelle organisation de la Commission donnant aux vice-présidents un pouvoir de coordination des travaux des commissaires placés sous leur autorité, ces fonctions ne sont pas négligeables. Ainsi M. Dombrovskis sera-t-il conduit à superviser notamment l’action du commissaire français Pierre Moscovici. Pour les Baltes, les responsabilités accrues qui leur sont confiées par M. Juncker est un signe de reconnaissance.

La Lituanie, 19ème membre de la zone euro

Deuxième fait marquant : l’entrée de la Lituanie dans la zone euro. Après l’Estonie en 2011 et la Lettonie en 2014, le troisième Etat balte vient d’adopter à son tour la monnaie unique, devenant le dix-neuvième pays membre de la zone euro. Les dirigeants lituaniens ne cachent pas la dimension politique de leur choix. « Une étape de plus dans notre ancrage au camp de l’Ouest », affirme le ministre des finances, Rimantas Sadzius. La devise nationale, le litas, était déjà liée à l’euro. La différence est que le pays sera désormais associé aux décisions de politique monétaire de la Banque centrale européenne.
L’adhésion à la monnaie unique est perçue par les Européens comme une marque de confiance envers l’euro. En Lituanie, l’opinion publique est divisée. Elle n’approuve pas la politique d’austérité qui a permis au pays de satisfaire aux critères de convergence. Mais pour le premier ministre social-démocrate Algirdas Butkevicius, l’essentiel est d’aller plus loin dans l’intégration européenne afin d’accroître le poids de son pays dans l’Union.

La Lettonie, présidente de l’UE

Troisième événement touchant les Etats baltes : c’est au tour de la Lettonie d’assurer, pendant le premier semestre 2015, la présidence tournante de l’UE, comme l’avait fait la Lituanie en 2013. Même si la présidence semestrielle a perdu une partie de ses pouvoirs depuis la création d’une présidence permanente du Conseil européen, le pays qui l’exerce conserve la capacité de donner à l’Europe, dans une certaine mesure, les impulsions qu’il souhaite.
De toute évidence, l’une des priorités de la Lettonie sera de favoriser le « partenariat oriental » proposé par l’Europe à ses voisins d’Europe de l’Est et fortement critiqué par la Russie. C’est à Vilnius, en 2013, sous présidence lituanienne, que le refus du gouvernement ukrainien d’alors de signer l’accord d’association avec l’UE avait précipité la crise. La situation a changé depuis cette date. L’accord a été signé par le nouveau gouvernement ukrainien. Avec le soutien actif de la Pologne, allié historique des Baltes, dont l’ancien premier ministre, Donald Tusk, a été choisi comme président permanent du Conseil européen, la Lettonie s’efforcera à la fois d’affirmer la fermeté de l’Europe à l’égard de Moscou et de rechercher avec la Russie la voie de l’apaisement.