Les Européens à la recherche d’une Union de l’énergie

Alors que se prépare l’importante Conférence de Paris sur le climat, les dirigeants européens croient possible, à l’instar de Jacques Delors, de faire renaître un « souffle européen » en bâtissant une Union de l’énergie qui serait porteuse d’un « projet européen de transition énergétique ». Une récente étude de Notre Europe-Institut Jacques Delors analyse les faiblesses de la politique actuelle et formule des propositions pour créer en Europe un « nouvel élan commun ».

Paysage électrique sur l’île d’Egine
D.R.

L’Europe a perdu une partie de son dynamisme. Elle peine à s’affirmer dans la mondialisation. Le moment est venu, soutiennent aujourd’hui les militants de la cause européenne, de la remettre en action. Jacques Delors est de ceux qui appellent à la relance du projet européen. « Il s’agit maintenant de retrouver un nouvel élan commun, affirme l’ancien président de la Commission européenne, et de repenser notre façon de vivre et de gouverner ensemble ». Comment faire renaître ce « souffle européen » ?

Pour Jacques Delors, l’une des réponses possibles est la création d’une Union de l’énergie, qui devra porter « un projet européen de transition énergétique sur le long terme ». L’UE applique des politiques communes dans des domaines vitaux tels que le commerce, l’agriculture ou les transports, rappelle le fondateur du centre de réflexion Notre Europe, devenu l’Institut Jacques Delors. L’énergie, qui fut à l’origine de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), puis de l’Euratom, ancêtres de l’Union européenne, ne pourrait-elle pas trouver également sa place dans la construction d’une Europe communautaire ?

Cette future Union de l’énergie, à laquelle Notre Europe-Institut Jacques Delors consacre une étude, préfacée par Jacques Delors, signée de Sami Andoura et Jean-Arnold Vinois, a fait l’objet, en février, d’une communication de la Commission européenne, qui la présente comme « une des priorités politiques majeures de l’Union européenne » et la fait reposer sur cinq principes : la sécurité de l’approvisionnement, la pleine intégration du marché européen, l’efficacité énergétique, la décarbonisation de l’économie, une nouvelle stratégie de recherche et d’innovation.

Une relation de confiance et de solidarité

« Notre vision, explique la Commission, est celle d’une Union de l’énergie qui permette aux Etats membres de prendre conscience qu’ils dépendent les uns des autres s’ils veulent assurer à leurs citoyens un approvisionnement énergétique sûr, fondé sur une authentique relation de confiance et de solidarité ». L’objectif, précise-t-elle, est que les consommateurs de l’UE (ménages et entreprises) puissent « disposer d’une énergie sûre, soutenable, compétitive et à des prix raisonnables ». En mars, le Conseil européen a approuvé les propositions de la Commission, qu’il s’est engagé à mettre progressivement en œuvre.

L’Union de l’énergie, écrivent les auteurs de l’étude de Notre Europe-Institut Jacques Delors, intitulée « De la Communauté européenne de l’énergie à l’Union de l’énergie », est « le catalyseur de la nécessaire transition énergétique en Europe ». Elle doit permettre de « dépasser l’approche fragmentée, court-termiste et de repli sur soi qui affecte dangereusement l’Europe en ce moment ». Elle doit aussi, comme l’indiquent les lettres de mission adressées au commissaire slovaque Maros Sefcovic, vice-président de la Commission, chargé de l’Union de l’énergie, et au commissaire espagnol Miguel Arias Canete, chargé de l’énergie et de l’action climatique, produire des « résultats concrets ». Pour que ces belles intentions ne restent pas lettre morte, soulignent encore les auteurs, « la gouvernance européenne doit être renforcée ».

Les faiblesses de la politique actuelle

L’étude recense les faiblesses actuelles de la politique énergétique européenne – parmi d’autres, l’insuffisante performance du marché intérieur, les difficultés de la coopération régionale, l’intégration trop lente des réseaux, l’encadrement inexistant ou insatisfaisant de la sécurité de l’approvisionnement en électricité et en gaz, les interventions nationales « trop obstructionnistes », le fréquent manque de respect des règles, l’efficacité énergétique encore sous-développée, la taxation de l’énergie restée entièrement nationale – et met l’accent sur « la nécessité d’agir " à l’échelle de l’Europe, puisque " les solutions nationales se sont avérées inefficaces ». Elle propose « dix actions immédiates », qui vont de l’achèvement des marchés intérieurs de l’électricité et du gaz au développement de la coopération régionale en passant par une taxation plus harmonisée au sein de l’UE.

La lutte contre le changement climatique, qui suscite aujourd’hui une vaste prise de conscience, n’est qu’une des dimensions de cette grande politique de l’énergie. Mais à l’approche de la Conférence de Paris, en décembre prochain, qui suscite l’espoir d’un accord international sur le climat, elle peut servir de levier à une action globale. Alors que l’ensemble des menaces qui pèsent sur la planète, de l’épuisement des ressources fossiles à la disparition de la biodiversité, de la montée des inégalités à celle de la violence, « forment système », selon l’expression du philosophe Jean-Pierre Dupuy dans Le Monde du 4 juin, le changement climatique apparaît comme « un nœud important de ce système ». La mobilisation qu’il suscite, au-delà même des frontières du Vieux continent, peut être un atout pour le développement d’une Union européenne de l’énergie.