Les quatre propositions de Nicolas Sarkozy

Le président sortant propose de modifier les conditions de la libre circulation et du libre échange. Il lui faudra l’accord de tous ses partenaires pour réviser les traités.
 

 Les accords de Schengen. - Les accords de Schengen (du nom d’une petite ville du Luxembourg proche de la frontière franco-allemande) ont été établis en 1985 entre cinq des Etats fondateurs (Allemagne, France, Benelux). Ils ont été étendus progressivement aux autres Etats. Après la signature d’une convention d’application en 1990, ils sont entrés en vigueur en 1995. Les nouveaux pays membres s’y sont associés en 2007-2008. Parmi les Vingt-Sept, seules la Grande-Bretagne, l’Irlande, Chypre, la Bulgarie et la Roumanie sont restées en dehors de l’espace Schengen. En revanche, l’Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein en font partie.

 La principale disposition des accords de Schengen est la suppression des contrôles aux frontières intérieures de l’Union européenne. En contrepartie, les Etats s’engagent à renforcer leurs contrôles aux frontières extérieures en développant leur coopération policière et judiciaire. Le SIS (Système d’information Schengen), une banque de données sur les personnes recherchées et les véhicules volés, en est l’un des éléments-clés. Depuis 2005, une agence pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières, Frontex, coordonne l’activité des garde-frontières. Elle pourrait préfigurer un futur corps européen de garde-frontières, même si cette hypothèse est pour le moment écartée. La mise en place d’un « visa Schengen » pour les séjours de courte durée est également le résultat des accords.

 Les Etats peuvent rétablir à tout moment les contrôles aux frontières intérieures, pour une période limitée, « lorsque l’ordre public ou la sécurité nationale l’imposent ». Cette clause de sauvegarde a été plusieurs fois appliquée, notamment par la France après les attentats de 1995 et par l’Allemagne à l’occasion de la coupe du monde de football en 2008. Nicolas Sarkozy veut aller plus loin. Il demande « un gouvernement politique de Schengen » afin de pouvoir « sanctionner, suspendre ou exclure de Schengen un Etat défaillant, comme on peut sanctionner un Etat défaillant de la zone euro qui ne remplirait pas ses obligations ». Il souhaite que ce pouvoir soit attribué aux chefs d’Etat et de gouvernement, et non à la Commission. Cette révision est déjà engagée à Bruxelles, à la demande de la France, depuis l’afflux de réfugiés tunisiens sur l’île de Lampedusa au printemps 2011. Pour qu’elle aboutisse, il faudra modifier, à l’unanimité, les traités sur l’Union européenne auxquels les accords de Schengen ont été intégrés en 1997.

 Le rôle du commissaire au commerce extérieur. - Le commerce extérieur fait partie des quelques compétences dites « exclusives » de l’Union, comme la politique monétaire ou la politique de concurrence. En application de la méthode communautaire, c’est le commissaire au commerce extérieur (avant-hier, le Français Pascal Lamy, hier le Britannique Peter Mandelson, aujourd’hui le Belge Karel de Gucht) qui négocie au nom de l’Union. Nicolas Sarkozy explique que « la technocratie ne peut plus être seule à décider » et que « les objectifs des négociations commerciales de l’Union doivent être définis par les chefs d’Etat et de gouvernement », la Commission se contentant de les appliquer.

 Dans la réalité, c’est bien ainsi que les choses se passent. Le commissaire au commerce extérieur agit conformément au mandat de négociation qu’il a reçu du Conseil des ministres. Et il négocie sous l’étroit contrôle des gouvernements. Selon une blague qui circule à la Commission et que rapporte l’eurodéputée Sylvie Goulard, qui fut naguère l’une des conseillères de Romano Prodi, alors président de la Commission, le commissaire ne peut pas négocier avant d’avoir reçu les instructions des gouvernements, car il ne connaît pas sa marge de manoeuvre, et il ne peut plus négocier après les avoir reçues parce que cette marge est trop faible.

 Le « Buy european act » et le « Small business act ».- Nicolas Sarkozy recommande un double changement dans l’attribution des marchés publics européens, inspiré de deux lois américaines, le « Buy american act », qu’il veut transposer en « Buy european act », et le « Small business act », applicable aux petites et moyennes entreprises. Son objectif est que bénéficient de l’argent public européen les seules entreprises qui produisent en Europe et que, parmi celles-ci, un pourcentage soit réservé aux petites et moyennes entreprises. Il ne veut pas que l’Europe soit la seule à ouvrir ses marchés publics aux entreprises étrangères, alors que ses partenaires commerciaux ferment les leurs. A moins d’obtenir l’application de la réciprocité en matière de marchés publics, l’Europe doit faire comme les autres, dit-il, en n’accordant des financements publics qu’aux entreprises dont les produits sont fabriqués chez elle, même si ces entreprises peuvent être non-européennes, et en attribuant aux petites et moyennes entreprises une part de ces marchés.

 Le « Buy americain act » a été institué aux Etats-Unis et réactivé par Barack Obama en 2009 à l’occasion de son plan de relance. Le « Small american act », qui réserve un quota de 23 % des marchés publics aux PME, date de 1953. L’idée a été plusieurs fois suggérée en France, notamment par Nicolas Sarkozy lui-même en 2007. Elle n’a jamais été mise en oeuvre à la fois par crainte des rétorsions commerciales des pays qui se trouveraient écartés des marchés et par peur du renchérissement des coûts. La Commission européenne, pour sa part, sous l’impulsion du commissaire français, Michel Barnier, et de son homologue belge, Karel de Gucht, prépare un texte destiné à imposer la réciprocité aux partenaires commerciaux de l’Union européenne. Un mécanisme de défense commerciale pourrait être mis en place. Les marchés publics représentent 17 % du PIB en Europe. Toute révision des dispositions en vigueur suppose une réforme des règles de l’Organisation mondiale du commerce.

 Ultimatums.- Dans tous les cas, Nicolas Sarkozy s’est donné un an, s’il est réélu, pour agir unilatéralement au cas où ses propositions ne seraient pas retenues. L’application de ces ultimatums paraît pour le moins problématique.