Migrants : passer des paroles aux actes

Depuis plusieurs années, l’Union européenne tente de mettre en place une politique migratoire commune. Les difficultés que suscite en Europe l’afflux des réfugiés chassés par les guerres révèlent l’insuffisance des mesures adoptées par Bruxelles. Trop souvent les Etats se contentent de déclarations généreuses qui ne sont pas traduites en actes. L’engagement solennel de François Hollande et d’Angela Merkel permettra peut-être de mettre en place un vrai régime d’asile européen.

Angela Merkel et François Hollande à Strasbourg le 7 octobre
Parlement européen

Vingt-six ans après François Mitterrand et Helmut Kohl, qui avaient célébré ensemble au Parlement européen, le 22 novembre 1989, la chute du mur de Berlin, François Hollande et Angela Merkel se sont rendus à Strasbourg, le mercredi 7 octobre, pour défendre d’une seule voix, devant les eurodéputés, l’action de l’Union européenne face aux crises qu’elle affronte, à commencer par celle des migrants. Ce n’est pas la première fois que le président français et la chancelière allemande plaident la cause de l’Europe mais, au moment où la question des réfugiés suscite de vives polémiques dans la plupart des pays européens, leur intervention solennelle en faveur des candidats à l’asile est un geste politique important. Elle doit permettre de traduire enfin en actes les promesses de solidarité que ne cesse d’afficher l’Union européenne sans toujours aller au-delà des discours et des professions de foi.

Bonnes résolutions

Les bonnes résolutions ne manquent pas en effet dans le champ des politiques européennes, mais le bât blesse trop souvent lorsqu’il s’agit de les mettre en application. C’est notamment le cas en matière d’asile, où de nombreuses décisions ont été annoncées par Bruxelles et de nombreuses directives adoptées par les Vingt-Huit sans être vraiment suivies d’effets. Ainsi la Commission européenne a-t-elle dû engager il y a deux semaines quarante procédures d’infraction contre vingt Etats membres qui n’avaient pas transposé convenablement plusieurs des lois créant un régime d’asile européen. « La Commission européenne étant la gardienne des traités, ces procédures visent à ce que les Etats membres mettent effectivement en œuvre ce qu’ils se sont engagés à faire », a souligné son premier vice-président, Frans Timmermans, avant d’ajouter : « Notre régime d’asile européen commun ne pourra fonctionner que si tous les Etats membres respectent les règles ».

Le commissaire chargé des migrations, Dimitris Avramopoulos, a justifié à son tour l’action de la Commission en rappelant que « les normes établies d’un commun accord pour l’accueil des demandeurs d’asile doivent être observées par tous ». Ce qui est une manière de dire qu’elles ne le sont pas. Les principales dispositions adoptées ces dernières années par l’Union européenne portent notamment sur les procédures d’asile, sur les conditions d’accueil des migrants et sur les conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile. Elles ont fait l’objet de longues discussions entre les Vingt-Huit, qui ont fini par s’entendre, au prix de compromis souvent laborieux, sur des règles collectives. Ce sont ces règles dont la Commission demande l’application stricte pour mettre fin, autant qu’il est possible, aux disparités constatées d’un Etat à l’autre et assurer un minimum d’harmonisation entre leurs législations.

L’épreuve du temps

L’agenda européen en matière de migration présenté il y a quelques mois par la Commission sert de base aux politiques européennes. Celles-ci visent, dans l’immédiat, à « offrir une protection à ceux qui en ont besoin » et à « cibler les réseaux criminels de trafic de clandestins » et, à plus long terme, à « s’attaquer aux causes profondes de la migration illégale » et à « ménager des possibilités de migration légale ». Ces objectifs se déclinent au moyen d’une série de mesures, qui vont de l’aide budgétaire d’urgence à la répartition de 160.000 réfugiés entre les Etats membres en passant par la réforme, souhaitée par Angela Merkel, du règlement Dublin II, qui impose au pays par lequel le migrant est entré en Europe de traiter sa demande. Il s’agit, explique la Commission, de mettre en place « un système solide qui résistera à l’épreuve du temps ». Toutes ces mesures ne seront crédibles que si elles sont accompagnées d’une forte volonté politique face aux réticences des opinions publiques et aux critiques des partis populistes.

Il y a vingt-six ans, quand François Mitterrand et Helmut Kohl parlaient de l’Europe, soufflait sur le continent, comme l’a rappelé François Hollande, « un vent de liberté » qui abattait les murs. Les Européens de l’Ouest accueillaient avec enthousiasme ceux qui venaient de l’Est après avoir longtemps vécu derrière des frontières closes. Les temps ont changé. Aujourd’hui on dresse des murs pour empêcher les réfugiés d’entrer dans l’Union et on menace des fermer les frontières. En appelant les Etats membres à faire preuve de solidarité et à refuser la tentation du repli national, le président français et la chancelière allemande rejettent nettement les politiques nationalistes prônées par l’extrême-droite et par une partie de la droite. Ils souhaitent que l’Europe s’organise, comme l’a dit François Hollande, « pour être digne de sa tradition d’asile » - non seulement dans ses déclarations mais aussi dans ses actions.