Négationnisme : le rappel à l’ordre d’Angela Merkel

La chancelière Angela Merkel, compatriote du pape Benoît XVI, est le premier chef de gouvernement à avoir officiellement critiqué la levée de l’excommunication de l’évêque négationniste Richard Williamson. La question de la Shoah est particulièrement sensible en Allemagne, où cette affaire a provoqué l’indignation de la communauté juive et de représentants de l’Eglise catholique.   

« Nous sommes pape », titrait le quotidien populaire Bild Zeitung (4 millions d’exemplaires) lors de l’élection en 2005 du cardinal Ratzinger au trône de Saint-Pierre. Benoît XVI était en effet le premier pape allemand et toute l’Allemagne fêtait cet événement comme la consécration du retour du pays dans le concert des nations, soixante ans après la chute du IIIè Reich.

Aujourd’hui, les relations entre d’une part, une majorité de la population allemande, la chancelière Angela Merkel, la communauté juive allemande qui a retrouvé une nouvelle vigueur avec l’arrivée de juifs venus de l’ex-URSS, et d’autre part le Vatican, se sont fortement détériorées. La cause : la décision de Benoît XVI de réhabiliter et de lever l’excommunication frappant les membres de la Fraternité de Pie X, des intégristes catholiques qui ne reconnaissent pas le Concile Vatican II. Parmi un, un évêque britannique Richard Williamson, qui propage des thèses révisionnistes sur la Shoah et l’extermination des juifs par les nazis. 

Le Conseil central des juifs en Allemagne a décidé de rompre ses relations avec l’Eglise catholique mais le débat politique intérieur a rebondi avec les déclarations sans ambiguïté d’Angela Merkel. Profitant d’une conférence de presse avec le président kazakh, Nursultan Nazarbaïev, la chancelière a déclaré, mardi 3 février, qu’elle s’abstenait « en général » de commenter les décisions des Eglises. « Cependant, il s’agit là de questions fondamentales. Je crois que c’est une question fondamentale quand une décision laisse à penser qu’il serait possible de nier la Shoah. Ce n’est pas, selon moi, seulement un sujet qui concerne les communautés juives en Allemagne. Il s’agit ici de savoir que du côté du pape le négationnisme n’est pas possible et qu’il doit y avoir une attitude positive vis-à-vis de la communauté juive. D’après moi, nous n’avons pas eu les clarifications nécessaires. » Angela Merkel a ajouté qu’en tant que protestante – elle est fille de pasteur —, elle se sentait confortée par le fait que de nombreux catholiques se sont émus de la décision du pape.

Les observateurs allemands soulignent que cette intervention de la chancelière dans les affaires de l’Eglise est une première en Allemagne. Konrad Adenauer et Helmut Kohl ne faisaient pas mystère de leur foi catholique mais gardaient leurs distances vis-à-vis du Vatican. Quant aux chanceliers de confession protestante, comme Gerhard Schröder, ils considéraient que la religion était une affaire strictement privée.

Il semble cependant qu’Angela Merkel soit particulièrement sensible à tout ce qui touche au passé de l’Allemagne. Au risque d’être critiquée dans son propre parti chrétien-démocrate, elle se montre intransigeante avec les hommes politiques qui manifestent une forme de faiblesse par rapport au national-socialisme et à l’antisémitisme. Elle a fait ainsi exclure du groupe parlementaire puis du parti chrétien-démocrate un député qui avait qualifié les juifs de « peuple d’assassins ». Elle a d’autre part publiquement blâmé le ministre-président du Bade-Wurtemberg, Günther Oettinger, pour avoir qualifié un de ses prédécesseurs d’ « adversaire du national-socialisme », alors que Hans Filbinger avait été, pendant la guerre, juge dans un tribunal militaire qui avait condamné à mort des déserteurs.