Paralysie au sommet de l’Etat

Bien qu’il soit particulièrement diminué depuis son accident vasculaire cérébral en avril 2013, le président Abdelaziz Bouteflika se présente, à 77 ans, pour un quatrième mandat à l’élection présidentielle du 17 avril. Pour ses partisans au sein de l’Etat, il représente un gage de stabilité et de continuité des institutions. Les observateurs avertis ont peine à croire qu’il n’y a aucune autre alternative pour diriger un pays considéré comme un pilier économique du sud de la Méditerranée. Alors que se passe-t-il au sommet de l’Etat algérien ?

« Notre génération est finie. Je vous conjure d’être à la hauteur des défis », avait martelé le président Bouteflika, le 8 mai 2012 à Sétif, à la veille des élections législatives du 10 mai.

Elu en 1999, réélu cinq ans plus tard, le vieux militant du FLN, qui a été durant près de dix-sept ans le flamboyant ministre des Affaires étrangères d’Ahmed Ben Bella puis de Houari Boumediene, porte à son crédit d’avoir refermé la « décennie noire » qui a profondément meurtri l’Algérie durant les années 1990. Une réforme constitutionnelle, adoptée en novembre 2008, lui a permis de se présenter l’année suivante pour un troisième mandat. Mais ce quatrième mandat auquel il se prépare suscite une forte contestation autant dans les cercles du pouvoir que dans la rue.

Depuis la disparition de Boumediene, en décembre 1978, les dirigeants de l’armée algérienne ont procédé par consensus pour faire élire leur favori à la tête de l’Etat. On peut aisément supposer qu’aucun consensus n’a été trouvé pour offrir une alternative à un quatrième mandat d’un Bouteflika particulièrement diminué et dont on se demande s’il pourra terminer celui qu’il se prépare à entamer après le 17 avril. Les principaux partis d’opposition ont d’ailleurs appelé au boycott, décrédibilisant à l’avance cette prochaine élection.

Une économie de rente sans réelle perspective

Blocage politique mais aussi blocage économique puisque l’économie algérienne est dépendante à plus de 97 % des hydrocarbures et peine à investir dans l’industrie, qui représente seulement 8 % du PIB alors que ce taux oscille entre 25 % et 35 % dans les pays émergeants à forte croissance. Ces chiffres relativisent donc la libéralisation économique – et la part du secteur privé – conduite pratiquement à marche forcée au début des années 1990.

La société publique Sonatrach (Société nationale pour la recherche, la production, le transport, la transformation, et la commercialisation des hydrocarbures s.p.a), qui est un Etat dans l’Etat, favorise une économie de rente et une corruption endémique. Pire encore, la production de pétrole décline, les découvertes ne portant plus que sur de petits gisements. Si bien que l’Algérie pourrait ne plus être en mesure d’honorer ses engagements à l’export d’ici à 2030 sans efforts substantiels dans l’exploration et sans efficacité énergétique. En clair : l’Algérie risque de devenir importateur net de pétrole dans 10-15 ans, avec toutes les conséquences dramatiques qu’on imagine.

Face à cette situation, les milieux économiques tirent la sonnette d’alarme : comment diversifier l’économie algérienne et créer des emplois pour une population – dont 70 % est en âge de travailler – qui devrait atteindre 45 millions en 2020 et 55 millions en 2030 ?

Pour ce faire, les réponses présentées sont les suivantes : pour créer un nouveau modèle de croissance, où la rente agit comme moteur de la diversification, il faudrait que le PIB hors-hydrocarbures représente plus de 65 % d’ici à 2020 et le taux d’investissement privé atteigne 20 % du PIB. En ce qui concerne le budget de l’Etat, on préconise une réduction progressive de la dépendance aux revenus des hydrocarbures : un maximum de 50 % du budget financé par la fiscalité pétrolière en 2020 et 20 % en 2030 (contre 66 % en 2012).

En ce qui concerne les aspects institutionnel et politique, les mêmes milieux recommandent un Etat de droit restauré, des institutions redevables devant le citoyen algérien, la garantie de transparence dans la gestion des finances publiques, le développement de services publics de qualité, enfin une société civile plus libre, plus active et dotée des moyens d’évaluer de façon indépendante l’action des institutions.

Dans son discours de Sétif, Abdelaziz Bouteflika avait raison d’appeler ces concitoyens à être « à la hauteur des défis ». Pour près de 40 millions d’Algériens – dont 30 % ont moins de 15 ans – les espoirs d’une alternance à la tête de l’Etat se referment, la machine est grippée depuis plusieurs décennie et l’avenir paraît bien sombre.