Pas de faillite pour la Grèce

Il n’existe pas, dans l’Histoire, d’exemple d’Etat qui ait fait faillite. Comme une entreprise ou un ménage. Il s’est toujours trouvé d’autres Etats, des institutions financières publiques ou privées, nationales ou internationales, pour venir à la rescousse des Etats ayant épuisé leurs ressources. Pas par altruisme mais par intérêt, pour récupérer des richesses, éviter des bouleversements géopolitiques ou des réactions en chaîne. Aujourd’hui où la Grèce est au bord de la cessation de paiement, la règle vaut plus que jamais pour un Etat membre de l’Union européenne, et mieux encore membre de la zone euro.

 

Certes, la Grèce apparait comme l’homme malade de l’union monétaire. Un déficit des finances publiques de 12% en 2009, une dette qui atteint 113% du PIB, et l’obligation d’acquitter un taux d’intérêt pour les bons d’Etat près de deux fois supérieur à celui imposé à l’Allemagne. Comme l’a déclaré le premier ministre grec Georges Papandréou à Davos, « les premières responsabilités doivent être recherchées chez nous ». Le nouveau gouvernement socialiste issu des élections de l’automne 2009 a présenté un plan de réformes dont l’objectif est de ramener le déficit budgétaire à 9% cette année et à 3% — le plafond prévu par le traité de Maastricht qui a institué la monnaie unique – en 2012. C’est la règle : les Etats de la zone euro sont d’abord appelés à faire le ménage chez eux. S’ils ne le font pas, ils sont susceptibles d’être frappés par des sanctions financières… qui risquent d’aggraver leur situation. Les traités européens ne prévoient pas – et même interdisent – à la demande de l’Allemagne, que les autres membres de l’Union européenne viennent en aide aux fautifs. En clair, que les contribuables des autres pays paient pour le laxisme de certains.

Au cours des derniers jours, les dirigeants politiques et les responsables financiers européens l’ont répété : il n’est pas question d’aider la Grèce, au-delà en tous cas des mécanismes automatiques. Le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, a remarqué que la Grèce représentait moins de 3% du PIB de la zone euro. Sous-entendu, sa défection n’aurait pas de conséquence dramatique pour l’union monétaire. En termes purement comptables, c’est peut-être vrai. Cela ne l’est pas en termes politiques. Si la Grèce n’était pas en mesure de faire face à ses obligations et était contrainte d’abandonner l’euro pour retrouver les facilités factices présentées par les dévaluations d’une monnaie nationale, l’onde de choc toucherait l’ensemble de la zone euro. Par un effet de dominos, d’autres pays pourraient être touchés, tels l’Espagne ou le Portugal, qui apparaissent comme les autres maillons faibles.

C’est pourquoi les dirigeants européens donnent l’impression d’user d’un double langage. D’une part, ils répètent qu’il revient aux autorités grecques elles-mêmes de prendre les mesures indispensables à un retour à l’équilibre ; d’autre part, ils s’interrogent sur les meilleurs moyens d’aider la Grèce. Sans le dire. Non seulement pour ne pas se trouver en contravention avec les traités ou pour ne pas relâcher la pression sur le gouvernement grec mais pour éviter un effet contre-productif. Une aide serait ambivalente ; elle pourrait sauver les finances grecques, mais en même temps elle manifesterait les doutes des Européens sur la capacité des Grecs à mener à bien les réformes structurelles annoncées.

La Grèce a besoin de lever 53 milliards d’euros cette année, la majeure partie de cette somme dès le printemps. Un premier emprunt a été rapidement couvert. Les offres ont dépassé de quatre fois les besoins immédiats. La confiance n’a donc pas totalement disparu même si les taux d’intérêt frôlent les 7%.

Pour certains observateurs, les réserves traditionnelles des milieux financiers anglo-saxons vis-à-vis de l’euro depuis sa création en 2000 ne sont pas étrangères aux turbulences actuelles. La méfiance des institutions de notation accentue les difficultés financières de tel ou tel pays de la zone euro qui doit acquitter des taux d’intérêt d’autant plus élevés pour financer sa dette, jusqu’à abandonner la monnaie unique et faire exploser l’union monétaire. Même si la remarque est pertinente, elle ne change rien à la nécessité pour certains d’assainir leurs finances publiques. Pas seulement dans la zone euro : la dette britannique est, en pourcentage, plus élevée que la dette grecque.