Pour le parti d’Angela Merkel, à droite toute !

Angel Merkel a été réélue à la présidence de l’Union chrétienne démocrate (CDU) au cours du congrès qui vient de se tenir à Essen, avec 89,5% des voix des mille délégués. Ce score est légèrement inférieur à celui obtenu deux ans auparavant. Il souligne le mécontentement d’une partie de la base chrétienne démocrate qui s’est également manifesté lors du vote d’une motion sur l’immigration. 51% des délégués ont voté, contre l’avis d’Angela Merkel, en faveur de la suppression de la double nationalité pour les enfants nés en Allemagne de parents étrangers. Le Congrès a toutefois réservé une standing ovation d’une dizaine de minutes à Angela Merkel qui sera candidate en septembre 2017 pour un quatrième mandat à la chancellerie.

Angela Merkel réélue par le congrès de la CDU

A droite toute ! C’est le bilan du congrès de Essen de la CDU. La majorité des mille délégués a implicitement signifié à Angela Merkel qu’il fallait en finir avec la stratégie de la « triangulation », cette politique consistant à reprendre à son compte les idées de l’adversaire pour le priver de son programme. Le gouvernement de grande coalition a mis en œuvre des propositions des sociaux-démocrates sur le salaire minimum, l’abaissement de l’âge de la retraite pour les personnes ayant commencé à travailler jeunes, voire des thèmes chers aux écologistes comme la sortie du nucléaire ou l’accueil des réfugiés.

Fronde

Une sorte de fronde se développe dans la CDU à l’égard de la chancelière. On lui reproche d’avoir entrainé le parti trop loin vers le centre-gauche, dégageant ainsi sur sa droite un espace qui risque d’être rempli par les populistes de l’AfD (Alternative für Deutschland). Cette droite extrême a obtenu des scores dépassant 10% au cours des dernières élections régionales, arrivant même devant la CDU dans le Land du Mecklembourg-Poméranie occidentale. La contestation rejoint les critiques adressées à Angela Merkel par le parti frère bavarois depuis l’été 2015 et la politique d’accueil des réfugiés.
La chancelière s’est toujours refusé à fixer un « plafond » pour l’accueil des demandeurs d’asile afin de ne pas renier sa promesse d’ouverture. Elle n’en a pas moins pris des mesures pour arrêter le flot, négociant notamment avec la Turquie. Elle a abandonné la phrase fétiche qu’elle répétait depuis un an : « Wir schaffen das », nous y arriverons, c’est-à-dire nous réussirons à intégrer le million de réfugiés arrivé en Allemagne. « La situation de 2015 ne doit pas se renouveler », affirme-t-elle maintenant. Sous l’impulsion du gouvernement, le Bundestag a durcit les conditions d’attribution du droit d’asile et facilité les expulsions.

Faciliter les expulsions

Mais ces mesures n’ont pas suffi à calmer les inquiétudes. Une majorité de la CDU veut aller plus loin. Le congrès de Essen s’est prononcé pour l’interdiction de la burka dans les établissements publics. Pour la création de zones de transit aux frontières pour permettre une expulsion plus rapide des déboutés du droit d’asile. Même les malades doivent pourvoir être expulsés. Les interventions des marines européennes en Méditerranée ne devraient plus avoir comme objectif premier de sauver la vie des migrants mais de les renvoyer vers les côtes nord-africaines et dans le pays d’origine.
Sous prétexte « d’améliorer les perspectives d’intégration, les employeurs allemands pourraient avoir le droit de rémunérer les réfugiés qui travaillent en dessous du tarif syndical « quand ce dernier dépasse le salaire minimum ». Pendant l’examen de leur dossier, les réfugiés ne doivent pas pouvoir obtenir un permis de travail, une place de formation ou recevoir des prestations liées au programme d’intégration. Les aides sociales doivent être limitées au strict minimum.

Revirement sur la double nationalité

A une faible majorité (51%), les délégués ont voté en faveur de la suppression de la double nationalité et contre la possibilité de détenir deux passeports pour les enfants nés en Allemagne de parents étrangers. Cette possibilité avait été ouverte par une décision du gouvernement de grande coalition en 2014. La chancelière et le ministre de l’intérieur Thomas de Maizière ont eu beau se prononcer contre cette motion, ils n’ont pas été suivis par le Congrès. Angela Merkel a cependant précisé qu’elle ne mènerait pas la campagne pour les élections générales de septembre 2017 sur le rejet de la double nationalité.
Mais certains barons régionaux de la démocratie-chrétienne ne suivront pas la consigne et croient tenir dans l’opposition à la double nationalité un thème mobilisateur. Ils rappellent un précédent. En 1999, c’est sur la défense du droit du sang et contre l’introduction d’une dose de droit du sol dans le code de la nationalité qu’un dirigeant chrétien-démocrate Roland Koch, aujourd’hui passé dans le privé, avait ravi le Land de Hesse aux sociaux-démocrates et aux Verts.
Ce coup de barre à droite, salué par la CSU bavaroise, a pour objectif avoué d’assécher le terrain sur lequel a prospéré ces derniers mois la droite populiste. En reprenant les thèmes de l’AfD, la CDU court cependant le risque de leur donner une certaine respectabilité sans en tirer de profit électoral.

Menaces sur une coalition avec les Verts

La deuxième conséquence est de rendre plus difficile une éventuelle coalition avec le parti écologiste après les élections de l’année prochaine. Les Verts ont été les meilleurs soutiens de la politique d’Angela Merkel envers les réfugiés, au moins dans sa phase d’ouverture. Ils auront plus de mal à la suivre après ce virage à droite. Un autre sujet de discorde apparaît avec la politique fiscale. Le congrès démocrate-chrétien s’est prononcé contre des hausses d’impôts mais au contraire pour des allègements étant donné la bonne santé des finances publics. Les Verts, à l’inverse, sont favorables à l’instauration d’une taxe sur le patrimoine.
Les chrétiens-démocrates et les écologistes coopèrent déjà dans plusieurs gouvernements régionaux et Angela Merkel ne serait pas opposée à une alliance au niveau national. En tous cas, elle n’écarte pas cette hypothèse afin d’élargir l’éventail des coalitions possibles et de renforcer ses capacités de négociation. Actuellement les sondages créditent la CDU-CSU de 37% des voix, pas assez pour gouverner seule mais suffisamment pour se retrouver au centre du jeu. Il s’agit aussi d’empêcher la formation d’une coalition rouge-rouge-verte, entre les sociaux-démocrates, la gauche radicale et les écologistes. Une alliance noire-verte a dans les deux camps des adversaires sans doute pas mécontents de multiplier les obstacles.
Malgré les critiques, malgré une baisse de popularité qui lui laisse toutefois un taux d’approbation supérieure à 50%, Angela Merkel demeure un atout indispensable pour la démocratie-chrétienne allemande en vue d’une quatrième victoire consécutive. C’est pourquoi la fronde devrait rester limitée.
Face à elle, les sociaux-démocrates qui souffrent d’avoir été deux fois en moins de dix ans les junior partners de la CDU-CSU dans une grande coalition ont du mal à opposer un candidat à la chancellerie capable de rivaliser avec Angela Merkel. Peut-être l’ont-ils trouvé en la personne de Martin Schulz, le président du Parlement européen qui vient de quitter Bruxelles pour la scène politique nationale. En termes de popularité, il fait jeu égal avec la présidente de la CDU. Comme rival pour la chancellerie, il est cependant derrière. Et surtout la popularité de Martin Schulz ne profite pas au SPD.