Poutine et la politique du fait accompli

Sous les auspices de l’OSCE l’Ukraine, la Russie et les séparatistes qu’elle soutient ont signé un accord de cessez-le-feu pour mettre fin au conflit qui déchire la région du Donbass depuis des mois. Plus de 5000 victimes sont tombées dans les combats entre rebelles qui tiennent les villes de Donetsk et de Louhansk et l’armée régulière ukrainienne.
L’accord de Minsk n’a jamais été respecté. La liste des morts s’est allongée de plusieurs centaines de noms. Depuis quatre mois, les séparatistes ont avancé en direction de l’ouest et bombardé la ville portuaire de Marioupol qui leur ouvrirait une voie vers la Crimée, annexée par la Russie en mars 2014. A l’automne ils ont organisé des élections qui ne sont pas reconnues, ni par les autorités de Kiev ni par les institutions internationales. Jusqu’à maintenant, la Russie a « pris acte » de ces scrutins sans en reconnaître formellement la légitimité. Mais ce n’est peut-être que partie remise.
Peu d’informations ont filtré sur les négociations en cours à Berlin entre les diplomates allemands, français, russes et ukrainiens. Mais Moscou voudrait profiter de ces négociations pour rehausser le statut des républiques autonomes de Donetsk et de Louhansk et de leurs dirigeants. Ce n’est qu’un des points sur lesquels achoppent ces pourparlers. De leur issue dépend la tenue, le mercredi 11 février à Minsk, d’un sommet à quatre, dans le format dit « de Normandie », entre Angela Merkel, François Hollande, Petro Porochenko et Vladimir Poutine.
D’autres questions restent en suspens : la ligne de démarcation – les séparatistes veulent faire avaliser leurs gains territoriaux acquis depuis septembre, ce que refusent Kiev, comme Paris et Berlin –, le degré d’autonomie des régions de l’est que le gouvernement ukrainien veut limiter pour qu’elles ne soient pas de véritables enclaves de la Russie en Ukraine –, la surveillance de la frontière russo-ukrainienne pour empêcher le passage d’armes et de combattants venus de Russie – Moscou propose que la force internationale chargée de cette surveillance soit composée en majorité de soldats russes…
Vladimir Poutine n’est intéressé par la négociation que si elle entérine ses gains géopolitiques. François Hollande et Angela Merkel veulent éviter une escalade de la guerre. Excluant la livraison d’armes à l’armée ukrainienne pour tenter de rétablir un équilibre avec les séparatistes lourdement armés par Moscou, ils parient encore sur la diplomatie.
La question est de savoir quel prix ils sont prêts à payer pour obtenir un accord qui sera inévitablement un compromis sans pour autant brader l’intégrité territoriale de l’Ukraine, revendication essentielle des autorités de Kiev. Et sans compromettre les principes de la sécurité européenne que Vladimir Poutine a foulés au pied.