Trump, Fillon : champagneskoe au Kremlin

Vladimir Poutine, qui préfère en Russie les élections bien encadrées, peut se réjouir du résultat surprenant de deux scrutins démocratiques dans des pays occidentaux. La victoire de Donald Trump aux Etats-Unis a été célébrée au champagne (russe) dans les couloirs de la Douma. Le succès de François Fillon au premier tour de la primaire de la droite et du centre, qui devrait être confirmé au second tour, laisse entrevoir l’arrivée à l’Elysée en 2017 d’un président français « ami de la Russie ». Vladimir Poutine peut espérer la fin prochaine des sanctions pesant sur la Russie depuis son intervention en Ukraine, sans qu’il ait eu à faire la moindre concession ni en Europe ni au Proche-Orient.
Les intentions du futur président des Etats-Unis ne sont pas claires. Pendant la campagne électorale, Donald Trump a déclaré son admiration pour Vladimir Poutine, son souhait d’améliorer les relations avec Moscou, au plus bas sous la présidence Obama depuis la fin de la guerre froide et sa volonté de sous-traiter à la Russie la guerre contre Daech en Syrie. Le Kremlin a réagi positivement mais avec prudence en attendant que le prochain chef de la Maison blanche passe des paroles aux actes. Par petites touches, des proches de Vladimir Poutine expriment leur scepticisme sur la possibilité d’un « reset » des relations russo-américaines étant donné la profondeur des désaccords. Ils se sentent en position de poser leurs conditions.
Avec François Fillon, les rapports sont plus anciens qu’avec Donald Trump. Entre 2008 et 2012, quand il avait confié l’intérim de la présidence à Dmitri Medvedev, Vladimir Poutine était comme premier ministre un collègue de François Fillon. Les deux hommes se sont souvent rencontrés et le Français, se réclamant de la tradition gaulliste, a apprécié le « côté chaleureux et sensible » du Russe, tout en lui reconnaissant un aspect « bouledogue ». « Cher Vladimir », comme l’appelle volontiers François Fillon, est certes un « dictateur » mais il a fait progresser le fonctionnement de la démocratie en Russie ( !). Il bombarde « sans distinction » les opposants à Bachar el-Assad en Syrie et réduit en cendres la ville d’Alep, mais « c’est la guerre » et les « amis » saoudiens des Occidentaux ne se comportent pas mieux au Yémen.
Bref, il faut, selon le favori de la primaire, se féliciter de l’intervention russe en Syrie et « dialoguer » avec Poutine et son obligé Bachar el-Assad pour combattre ensemble l’Etat islamique. François Fillon constate l’échec de la stratégie occidentale — et française —, en Syrie et préfère ignorer la responsabilité du régime de Damas dans la montée de l’islamisme.
Plus généralement, il s’inscrit dans la méfiance traditionnelle d’une partie de la droite – et de la gauche – françaises vis-à-vis des Etats-Unis. Appliquant un gaullisme sommaire, il croit que l’indépendance de la diplomatie française est indexée sur le rapprochement avec Moscou. Les valeurs qui représentant le socle commun des démocraties occidentales ne jouent aucun rôle dans sa réflexion, pour la plus grande satisfaction de Vladimir Poutine.
Avec l’élection de Trump aux Etats-Unis, la victoire de candidats prorusses en Bulgarie et en Moldavie, les atteintes à l’Etat de droit en Hongrie et les tentations réactionnaires en Pologne, la montée des populismes un peu partout en Europe et le Brexit, le président russe ne manque pas « d’idiots utiles » pour l’aider à semer le trouble dans le camp des démocraties.