Washington prudent dans son soutien à Riyad

A l’issue de sa tournée en Europe, Barack Obama s’est rendu en Arabie saoudite. Il a rencontré, le 28 mars à Riyad, le roi Abdallah pour un entretien de deux heures destiné à « rapprocher les points de vue ».

Barack Obama a rencontré, le 28 mars à Riyad, le roi Abdallah d’Arabie saoudite pour un entretien de deux heures destiné à « rapprocher les points de vue »

Les relations entre Washington et son plus ancien allié dans la région s’étaient dégradées depuis la politique de rapprochement avec l’Iran et le désengagement du conflit syrien, deux dossiers précédés par le lâchage de l’ancien président égyptien Hosni Moubarak et le soutien apporté à son successeur Mohammed Morsi, issu de la confrérie des Frères musulmans, destitué par les militaires en juin 2013.

Ces événements ont laissé craindre aux Saoudiens un abandon du soutien américain. Si bien que Riyad a marqué son mécontentement en refusant d’occuper le siège qui lui a été attribué au Conseil de sécurité des Nations unies en octobre 2013 après s’être battu durant un an pour l’obtenir.

Prudent, le président des Etats-Unis a affirmé au roi Abdallah que les intérêts stratégiques des États-Unis et du royaume restaient « alignés ». Il a souligné à quel point il accordait de la valeur à cette relation stratégique » avec le royaume. « Parfois, on a l’impression qu’il existe des différends entre les États-Unis et l’Arabie saoudite, et les deux dirigeants ont parlé franchement de nombreux dossiers », a commenté, sibyllin, un responsable américain.

Les deux chefs d’Etat ont surtout évoqué le dossier nucléaire iranien et la situation en Syrie. Sur le premier sujet, Riyad a manifesté son scepticisme face à l’accord intérimaire conclu en novembre 2013 entre les grandes puissances et l’Iran, qui prévoit un gel partiel du programme atomique controversé de la République islamique en échange d’un allègement des sanctions économiques. M. Obama a alors assuré le souverain wahhabite qu’il n’accepterait pas un « mauvais accord » avec Téhéran sur le nucléaire.

L’Arabie saoudite, chef de file des monarchies du Golfe, redoute qu’un désengagement des États-Unis du Moyen-Orient et l’ouverture américaine sur l’Iran n’encouragent les ambitions régionales de son rival chiite.

« Que l’Arabie saoudite et ses autres partenaires du Golfe sachent que les discussions nucléaires peuvent résoudre une menace à la stabilité régionale », a précisé Benjamin Rhodes, le conseiller adjoint de Sécurité nationale accompagnant le président Obama. Il a néanmoins assuré que l’administration Obama était toujours « préoccupée » par la politique régionale de Téhéran, évoquant notamment son « soutien à Assad, au Hezbollah et ses actions de déstabilisation au Yémen et dans le Golfe ».

En ce qui concerne la Syrie, la Maison-Blanche avait assuré avant la réunion que le président voulait parler avec le roi des moyens de renforcer « politiquement et militairement » l’opposition syrienne modérée. Mais un responsable américain anonyme a affirmé que les États-Unis n’avaient pas approuvé la fourniture par l’Arabie saoudite de Manpads (système d’arme sol-air portable) aux rebelles syriens dont Riyad est l’un des principaux soutiens. Le responsable a assuré qu’une telle fourniture représenterait « un risque de prolifération ».

En dépit de la forte pression du Congrès des Etats-Unis et des organisations des droits de l’homme, ce dernier dossier n’a pas été abordé au cours de l’entretien alors qu’on estime à 30 000 le nombre de prisonniers politiques croupissant dans les geôles du royaume des Saoud. Le président des Etats-Unis a consenti un geste symbolique en rencontrant Maha al-Muneef, une activiste saoudienne qui avait reçu par le passé un prix du département d’État. Cet entretien a eu lieu alors que des militantes ont appelé les Saoudiennes à défier l’interdiction de conduire et à prendre le volant durant la visite du président Obama.

C’est donc « un service minimum » qui a été assuré par Barack Obama auprès d’un allié qui a dû réviser ses ambitions à la baisse, les Etats-Unis ayant d’autres priorités régionales et internationales.

Les Saoudiens l’ont bien compris puisque le roi Abdallah, âgé de 89 ans, le prince héritier Salman, 79 ans, tous les deux en mauvaise santé, sont désormais assuré que le prince Mokren, 69 ans, sera appelé à succéder au roi ou au prince héritier en cas de décès ou de défaillance. Cette initiative royale a été précédée par la mise à l’écart du prince Bandar, dont la gestion du dossier syrien a été un échec. Ce dernier est à l’origine du financement des mouvements islamistes syriens qui dominent actuellement l’insurrection.

Les observateurs avertis estiment que la gestion agressive des dossiers de l’Egypte, de la Syrie, du Yémen et du Bahrein sont autant de signes révélateurs de la nervosité des dirigeants saoudiens face à une situation régionale qui leur échappe et qui pourrait à terme déstabiliser le royaume.

Barack Obama l’a bien compris et n’a pas manqué de rassurer son hôte sur la poursuite du soutien au royaume des Saoud. Mais la communication minimum qui a été assurée à cette visite est significative de la prudence de Washington vis-à-vis de la politique régionale de Riyad autant que sur la solidité et la cohésion de la famille régnante au pouvoir.