Washington reprend la main

La crise ukrainienne a replacé au centre des relations internationales la rivalité Washington-Moscou qui se joue aussi au Proche-Orient.

Déstabilisé depuis plus de trois ans par les changements de régime en Tunisie, Egypte, Libye, Yémen, par la rébellion de Bahrein et la guerre civile en Syrie, le Proche-Orient semble se stabiliser avec la volonté de Washington de rétablir des relations durables avec Téhéran tout en préservant ses alliances avec Jérusalem, Riyad et le Caire.

Avec Damas, où Bachar el Assad vient de remporter la présidentielle, Washington, qui cherche à préserver la stabilité de la Jordanie, du Liban et d’Israël, tient fermement une position de principe – dénonciation de la violence et appui aux négociations avec l’opposition – après avoir renoncé, en septembre dernier, à intervenir sur le terrain.

Au Proche-Orient, les Etats-Unis s’appuient sur les trois pays qui ont une importance stratégique et militaire de premier plan : Israël, la Turquie et l’Iran. Dans un second ordre, ce sont l’Arabie saoudite, l’Egypte et la Syrie qui constituent les pays clés pour la stabilité du monde arabe.

Avec Israël, Washington tente de relancer les négociations avec les Palestiniens qui viennent de former un gouvernement d’entente nationale incluant des personnalités appuyée par le mouvement islamiste Hamas. L’irritation du gouvernement de Benyamin Netanyahu, si elle persiste, pourrait conduire à des élections législatives anticipées et la formation d’un gouvernement israélien favorable à des négociations avec le gouvernement de Mahmoud Abbas.

Avec la Turquie, membre de l’OTAN, Washington maintient des relations stables même si l’autoritarisme de Recep Tayyip Erdogan, qui pourrait se présenter en août à la présidentielle, ne suscite pas une grande ferveur à Washington. Les facilités qu’offre la Turquie aux islamistes en route pour la Syrie n’arrangent pas ses relations avec Washington et l’UE.

Changement stratégique

Le rapprochement de Washington avec l’Iran depuis septembre 2013 constitue un événement majeur qui rebat les cartes régionales. Les négociations sur le nucléaire évoluent lentement et Washington est également préoccupé par l’implication militaire des Pasdarans iraniens et du Hezbollah libanais dans la guerre en Syrie.

Ce changement stratégique américain a suscité l’ire de la monarchie saoudienne qui a accru son soutien financier et militaire aux mouvements islamistes syriens avant de changer récemment de cap sous la pression des Etats-Unis. Washington plaide en faveur d’un apaisement entre Riyad et Téhéran. Mais les conflits en Syrie et en Irak sont des points de frictions majeurs entre les deux capitales.

Allié majeur de Washington au Proche-Orient, l’Egypte, déstabilisée par l’éviction de Hosni Moubarak puis de son successeur islamiste Mohamed Morsi, est dirigée par le maréchal Abdel Fattah al Sissi, élu le 25 mai avec un taux de participation moindre que celui de son prédécesseur islamiste. Washington a fini par apporter son soutien au nouveau pouvoir après avoir longtemps dénoncé le coup d’état de juin 2013.

L’élection, le 3 juin, de Bachar el Assad à la présidence de la république syrienne a été dénoncée par Washington comme un non-événement vu la poursuite de la guerre civile et le manque de légitimité du pouvoir. Mais Washington a renoncé à apporter un soutien significatif à l’opposition syrienne et s’inquiète de l’ampleur du nombre des réfugiés dans les pays voisins, essentiellement la Jordanie et le Liban, deux pays fragiles.

Les dossiers syrien et irakien constituent les tests majeurs d’un apaisement régional. Alliés de Téhéran, les pouvoirs en place à Damas et à Bagdad auront fort à faire pour associer leurs oppositions respectives au pouvoir.

Washington en a bien conscience d’autant plus que la crise en Ukraine déplace l’enjeu vers Moscou et complique la donne.

Ce relent de guerre froide entre Washington et Moscou a aussi pour terrain le Proche-Orient.

 

De l’issue des différents conflits en cours dépendra la stabilité de cette région du monde. Pour les prochaines années.