L’attentat d’Orlando souligne les contradictions des républicains

Une cinquantaine de personnes ont été tuées, le samedi 11 juin, dans une discothèque d’Orlando, en Floride, surtout fréquentée par des homosexuels. Un homme armé a fait irruption dans l’établissement et a tiré avec une arme de poing et un fusil d’assaut AR-15. Il s’agit de Omar Mateen, un Américain d’origine afghane, âgé de 29 ans. Il s’est réclamé de Daech avant d’être abattu par la police. L’Etat islamique a revendiqué cet attentat, le plus meurtrier commis aux Etats-Unis depuis le 11 septembre 2001. Les enquêteurs se demandent s’il s’agit d’un "loup solitaire". Barack Obama a déclaré qu’il n’existait pas, pour le moment, de preuves d’une action commanditée de l’étranger.
Cette tuerie dans un club homosexuel embarrasse le Parti républicain, tandis que son candidat pour l’élection présidentielle de novembre, Donald Trump, y voit une confirmation de ses préventions à l’égard des musulmans, explique Marie-Cécile Naves, chargée de cours à l’Audencia Business School de Nantes, dans un article publié par www.Theconversation.com

Il n’a fallu que quelques heures pour que l’effroyable tuerie dans un night-club gay d’Orlando, en Floride, donne lieu à des récupérations politiques. Les républicains américains, Donald Trump en tête, fustigent le manque de leadership et de fermeté des démocrates, en politique intérieure et extérieure.

Récupération sans surprise

Ce message se situe dans la lignée du storytelling du candidat républicain : au contraire de celui adressé au peuple américain par Barack Obama depuis la Maison Blanche ou par Hillary Clinton sur les réseaux sociaux, il vise à diviser plutôt qu’à unir l’Amérique. Plus : Trump n’hésite pas à écrire dans un tweet que « ce n’est que le début » et qu’il faut « appliquer l’interdiction » (de laisser les musulmans entrer sur le territoire des États-Unis). Sauf que cette interdiction, si elle était en vigueur aujourd’hui, n’aurait rien changé vu le profil du tueur présumé, un citoyen américain né aux États-Unis.

Entre les lignes, le message de Trump est donc toujours le même. Il voit dans le massacre perpétré à Orlando la confirmation de son raisonnement, qui tient en trois points : premièrement, l’islam est l’ennemi intérieur de l’Amérique ; deuxièmement, le « politiquement correct » a laissé toute latitude au développement de l’islamisme sur le sol américain (pour le milliardaire de l’immobilier, islam et islamisme sont quasi synonymes) ; troisièmement, ce n’est pas surprenant puisqu’Obama est, sinon musulman, du moins complaisant avec l’islam. Trump est en effet de ceux qui, dès 2009, ont propagé l’idée que le nouveau président était né au Kenya et mentait sur ses origines et sa véritable religion. Le complot contre l’Amérique, nouvelle version.

Par ailleurs, dans leurs condamnations de l’attentat d’Orlando, les responsables républicains se gardent bien, non seulement de faire montre de leur solidarité avec la communauté LGBT, mais aussi de parler de la motivation homophobe d’Omar Mateen.

Cela fait penser à l’attentat commis par Dylann Roof dans une église noire de Charleston, en juin 2015 : les leaders du parti républicain n’avaient pas parlé de racisme. À Orlando, seule la dimension « islamiste » compte. Tout ceci est bien entendu calculé. Mais c’est un peu court.

Omar Mateen était-il envoyé par Daech ou, comme semblent le penser les spécialistes du terrorisme qui se sont exprimés jusqu’à maintenent, ce dernier a-t-il récupéré l’attentat à son compte ? L’enquête le dira. Mais au vu des premiers témoignages, la haine des homosexuels a – peut-être parmi d’autres motivations – guidé le geste du terroriste. Les enquêteurs estiment qu’il était extrêmement préparé, il ne pouvait donc ignorer que le « Pulse » était une boîte de nuit très fréquentée par la communauté homosexuelle d’Orlando. C’était aussi un centre social apportant soutien et ressources aux gays et lesbiennes de la ville.

Obama et les droits des LGBT

Les droits des homosexuels auront été une préoccupation majeure de Barack Obama depuis son arrivée à la Maison Blanche. Premier président américain à se prononcer publiquement en faveur du mariage entre personnes de même sexe, il s’est personnellement engagé pour l’abrogation en 2010 de la loi « Don’t Ask, Don’t Tell » dans l’armée qui interdisait depuis 1994 aux homosexuels de s’engager. Or, les résistances à ces avancées demeurent nombreuses du côté de la droite religieuse, d’élus et de think tanks conservateurs. Aujourd’hui encore, dans plusieurs États du sud, du Midwest et de la Bible Belt, des lois interdisent aux enseignants de parler de l’homosexualité à leurs élèves, ou de lutter contre le harcèlement à l’école – dont sont souvent victimes les adolescents gays ou considérés comme tels.

Ceux qui s’opposent aux évolutions en faveur de l’égalité des droits et de la protection des homosexuels font valoir tant les commandements divins que le premier amendement de la Constitution, qui garantit la liberté de croyance et de religion. Ils justifient ainsi la perpétuation de discriminations dans la vie professionnelle, les secteurs des loisirs et de la santé, l’achat de biens et services ou encore l’adhésion à une association, voire condamnent purement et simplement l’homosexualité. Ainsi, l’instauration d’une législation fédérale interdisant la discrimination à l’emploi contre les gays et les lesbiennes demeure bloquée au Congrès.

Le refus du mariage homosexuel est toujours inscrit dans la plateforme nationale (équivalent d’une « profession de foi ») du Parti républicain, qui en appelle même à un amendement de la Constitution des États-Unis en ce sens. En matière de mariage et de filiation, les élus républicains – c’est bien moins vrai dans la population – considèrent majoritairement qu’un mariage concerne deux individus de sexe différent et que les enfants ne peuvent être issus que de ce type d’union, et de manière non médicalisée. Comme dans le cas de la sexualité des femmes, la référence à la biologie sacralisée est convoquée.

Le débat sur les unions de même sexe

D’autres ne sont pas nécessairement opposés aux unions homosexuelles en soi, mais déplorent que celles-ci aient le même statut et offrent les mêmes droits que le mariage « traditionnel ». Pour le think tank conservateur Heritage Foundation, par exemple, la légalisation des unions de même sexe, si elle ne doit pas être nécessairement interdite, tend à imposer une définition alternative de la famille, ce qui est inacceptable parce qu’impliquant une hiérarchie des valeurs morales.

C’est dans cette même logique que des textes incongrus et en décalage total avec l’évolution de la société américaine sont aujourd’hui votés par les congrès républicains de certains États fédérés pour limiter les libertés des couples homosexuels mariés. Ainsi, en Arizona, une loi de février 2014 surnommée « Pas de gâteau de mariage pour les gays » (« No Wedding Cake For Gays ») permettait aux commerçants de refuser de vendre un bien ou un service à des personnes homosexuelles, au nom de la liberté religieuse.

L’affront était également symbolique : il s’agissait de « gâcher » le mariage des personnes de même sexe. La gouverneure de l’État avait finalement renoncé à signer le texte, devant la vive (et médiatique) opposition qu’il avait suscitée. D’autres parlements locaux, comme en Indiana ou encore en Arkansas, tentent de faire passer de telles législations discriminatoires.

L’embarras républicain

Enfin, de nombreux responsables républicains vantent les mérites des thérapies pour « rééduquer » ou « soigner » les homosexuels. C’est le cas du Texas : dans la plateforme locale du parti datant de 2014, il est écrit que l’homosexualité fait peser une menace sur la cohésion sociale, qu’elle est par essence prosélyte, et qu’elle menace la famille traditionnelle, l’une des « bases » de la société américaine, mais aussi que « les comportements homosexuels sont contraires aux vérités ordonnées par Dieu, reconnues par les Pères de la Nation et partagées par la majorité des Texans » – on ignore cependant si quelqu’un a pensé à le leur demander.

On comprend mieux l’embarras des républicains quant au caractère homophobe de l’attentat qui vient de se produire en Floride, alors qu’il pourrait être pour eux l’occasion de faire preuve d’exemplarité et de prendre le chemin de la tolérance. L’hypothèse la plus plausible est néanmoins que le massacre d’Orlando les incitera au contraire à affirmer : l’homophobie, ce n’est pas « nous », c’est « eux » (les musulmans).
Selon le FBI, les crimes à motivation homophobe ont représenté, en 2015, près de 19 % de la totalité des crimes de haine commis aux États-Unis, soit plus d’un millier sur 5 500, et ce chiffre est vraisemblablement sous-estimé. L’homophobie tue chaque jour ou presque. Bien sûr, un attentat faisant 49 morts et autant de blessés marque davantage les esprits. Tant que les discours de stigmatisation et d’appel à la haine continueront, rien ne changera. La violence physique commence toujours par des mots.