Les clefs du conflit syrien sont en Turquie

La guerre en Syrie dure depuis cinq ans et s’est aggravée avec l’extension de Daech, acronyme arabe pour l’Etat islamique. Selon Jean Charroing, attaché de coopération scientifique et universitaire à l’ambassade de France à Damas de 1998 à 2003, un seul pays est en mesure d’envoyer les troupes au sol indispensables pour mettre fin au conflit : la Turquie, la première puissance de la région, membre de l’Alliance atlantique, possédant une armée moderne bien équipée et bien entraînée.

2011-2016 : le conflit syrien entre dans sa cinquième année : dépassée la durée de la guerre de Sécession, de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale ! En vue celle de la guerre de Sept ans, celle du Vietnam ou du Liban ? En route pour une guerre de Cent ans ?
Incompréhensible lorsqu’on compare les forces militaires en présence : d’un côté quelques dizaines de milliers de combattants équipés d’armes traditionnelles, de l’autre une coalition hétéroclite regroupant les plus grandes puissances mondiales : Etats Unis, Russie, France, Grande Bretagne, Turquie, Arabie Saoudite …surarmées et surentraînées. Comme le déclarait l’ancien président Bush : « envoyer un missile d’un million de dollars dans le cul d’un chameau » ou comme l’indiquait le titre de l’ouvrage de Jean Lartéguy « un million de dollars le Viet » !

Troupes au sol

Tous les spécialistes et experts qui analysent ce conflit politico-ethnico-religieux sont au moins d’accord sur un point : tant qu’une solution politique restera introuvable à Genève ou ailleurs, seule une intervention de troupes au sol est susceptible d’éradiquer l’abcès de Daech.
Autre point d’accord entre ces analystes : pas question d’envoyer des troupes occidentales à peine sorties du bourbier afghan et iraquien dans ce nouveau guêpier !
Des factions jusqu’ici antagonistes risqueraient dans cette conjoncture de faire front contre un ennemi commun : ces nouveaux croisés, ces mécréants venus de l’Occident chrétien pour recoloniser ce Moyen Orient compliqué !
La solution est pourtant évidente : il existe depuis cinq cents ans une puissance régionale dominante qui a toutes les qualités et les capacités requises pour faire le sale boulot. Il s’agit de la Turquie qui depuis la bataille de Mantzikert (1071 ) occupe cette partie du monde. C’est cet empire de 55 millions d’habitants qui s’étendait jusqu’à la fin du XIXème siècle, de l’Océan atlantique au Golfe persique et à la Crimée sur trois continents. C’est la Sublime Porte qui avait mis en place une administration, un ordre social et religieux qui a marqué profondément toute cette partie du globe pendant cinq siècles.
L’ancien homme malade de l’Europe est devenu un partenaire fréquentable. En effet :

  • il fait partie de l’Otan et est équipé d’armes et d’équipements occidentaux ;
  • il a un pied en Europe et l’Orient , formant un pont entre les deux cultures ;
  • il est religio-compatible avec la plupart des pays de la région ;
  • il a un profond désir de s’intégrer à l’Europe qui accueille déjà, en particulier en Allemagne, plusieurs centaines de milliers de citoyens turcs ;
  • il entretient des relations diplomatiques, linguistiques, culturelles, économiques et financières avec la France et d’autres pays d’Europe depuis François Ier.
  • il possède une armée modernisée, formée, encadrée au milieu du XXème siècle par des officiers allemands sous l’autorité d’Otto Liman von Sanders.

Promenade militaire

Tous ces facteurs permettent de penser que la Turquie actuelle est le seul pays de la région qui pourrait, sous l’égide de l’Onu et avec l’appui aérien de la Coalition, engager, avec une chance réelle de succès, des troupes terrestres à partir de sa large frontière sud-est.
Le financement de cette expédition pourrait, sans problème, être assuré par l’Europe qui a déjà prévu d’envoyer 3 milliards d’euros à la Turquie pour qu’elle fixe sur son sol les immigrés venus d’Irak et de Syrie.
En abondant ces crédits de quelques milliards supplémentaires l’Europe pourrait faire d’une pierre trois coups :

  • ralentir et limiter le flux des émigrés qui a commencé à déstabiliser économiquement et politiquement plusieurs pays européens ;
  • recruter, mobiliser, rémunérer, former, encadrer les émigrés syriens et irakiens, hommes (et éventuellement femmes) en âge de se battre. Ces derniers en effet sont, semble-t-il, ceux qui ont vocation à repartir, en priorité, dans leurs patries respectives, dans le cadre de bataillons mixtes, pour libérer et pacifier les zones de confrontations des belligérants.

Orient compliqué

Pas aussi simple toutefois de provoquer une telle révolution copernicienne dans les esprits. Méfiance envers le gouvernement turc actuel, confrontation politique et militaire entre les Kurdes et les Turcs, position de l’Iran et d’Israël. Il faut savoir si la paix au Moyen-Orient ne mérite pas qu’on sorte de la pensée unique et des chemins battus !
Dans tous les cas Laurence d’Arabie risque de se retourner dans sa tombe.