L’accord sur le nucléaire iranien : entre la morale et la vertu

L’accord sur le programme nucléaire iranien, signé le 14 juillet à Vienne, entre les représentants de la communauté internationale et Téhéran, crée une nouvelle situation géostratégique au Moyen-Orient. Barack Obama fait le pari que l’Iran, reconnu comme puissance régionale, pourrait avoir un rôle stabilisateur. Alors que ces dernières années, le régime des mollahs a, directement ou indirectement, entretenu la tension, ce pari est loin d’être gagné.

L’adieu aux armes du graphiste iranien Ali Zaeem
AliZaeem, via Creative Commons

« Il n’y a en réalité qu’une alternative : soit la voie diplomatique, soit la force, c’est-à-dire la guerre », a affirmé Barack Obama au lendemain de la signature de l’accord sur le nucléaire iranien. Le président des Etats-Unis, qui s’est engagé dès son élection en 2008 en faveur de la première option, a réussi son pari. Le paradoxe de la situation est qu’il s’est attiré l’hostilité du Congrès et des deux principaux alliés de Washington dans la région, l’Arabie saoudite et Israël.
Il est vrai que depuis le triomphe de la révolution iranienne en février 1979, le régime des mollahs a bâti sa politique régionale sur l’hostilité à la politique des Etats-Unis, d’Israël et de l’Arabie saoudite. Cette politique a été marquée par le recours à la violence principalement au Liban, en Palestine, en Irak et en Syrie.

Une puissance régionale

Cette politique a permis à Téhéran de s’imposer comme une puissance incontournable. La recherche de l’arme nucléaire, dont le programme avait commencé sous l’ancien régime pro-occidental de Mohammed Reza Pahlavi, a donné encore plus de poids à la République islamique dans son chantage à la terreur.
Forte d’une population de 80 millions d’habitants et de réserves énergétiques majeures (2ème puissance mondiale pour le gaz et 4ème pour le pétrole), l’Iran se trouve dans une position géostratégique de premier plan pour peser de tout son poids comme une puissance régionale.
La menace iranienne face à Israël et à l’Arabie saoudite s’est concrétisée sur les différents théâtres des conflits du Proche-Orient mais elle n’a jamais été frontale. La République islamique ne fait la guerre à personne – d’ailleurs elle n’en n’a pas les moyens –, elle ne défend que ses intérêts.
L’accord sur le nucléaire iranien, signé le 14 juillet à Vienne, s’il est une victoire pour la politique régionale de Washington, est aussi une victoire de la République islamique d’Iran.
Dans une région profondément déstabilisée depuis les révolutions arabes initiées en 2011, Téhéran voudrait faire office de puissance stabilisatrice et offrir de surcroît un marché prometteur qui suscite des envieux.

Stabilité ou stratégie de la tension ?

Il est vrai que cette situation est amorale. Voilà un régime bâti sur la terreur qui s’impose comme l’allié de Washington après avoir violemment combattu sa politique. L’accord signé à Vienne, s’il offre des garanties de non-prolifération, n’apporte en revanche aucune garantie politique. Téhéran pourra continuer à entretenir la tension sur ses terrains de prédilection pour contrer l’influence de Riyad ou de Tel-Aviv. Rien ne l’en empêche.
Mais Barack Obama a fait le choix de la main tendue et de l’ouverture. Une dynamique vertueuse peut se créer avec l’ouverture du marché iranien. Les grandes entreprises occidentales, chinoises et russes s’y préparent.
Naïf, le président des Etats-Unis ? Peut-être.
Ce qui est sûr c’est qu’il est déterminé à tourner la page et à ne négliger aucun partenaire susceptible de contribuer à apaiser les conflits qui secouent la région.
En s’appuyant sur quatre puissances régionales majeures – Israël, Arabie saoudite, Turquie, Iran –, Barack Obama fait le pari de concilier l’inconciliable.
S’il faudra du temps pour mesurer les conséquences de l’accord de Vienne, on se doute bien que le Proche-Orient est entré, le 14 juillet 2015, dans une nouvelle ère.
Il reste, pour les différentes parties concernées, à pouvoir se hisser à la hauteur de l’événement. Il n’y a pas d’alternative.