Lâcheté européenne

Le Club des Vingt, qui rassemble des experts de politique étrangère, a adressé à Boulevard Extérieur le commentaire suivant après la publication du plan de paix américain sur le Proche-Orient. Ce plan prévoit notamment la création d’un Etat palestinien sur le territoire de la Cisjordanie, amputé des colonies israéliennes, de la vallée du Jourdain et de Jérusalem-Est. Il a été aussitôt rejeté par les Palestiniens ainsi que par la Ligue arabe. L’Union européenne indique qu’elle va « étudier et évaluer les propositions avancées », tout en rappelant son engagement « ferme » pour « une solution négociée et viable à deux Etats ».

Qu’en est-il de l’Europe et de ses valeurs ?

Depuis Venise en 1978 jusqu’à aujourd’hui en passant par Oslo, l’Europe a toujours défendu à la fois la cause d’un Etat palestinien et celle de la sécurité de l’Etat israélien. Par leur projet d’accord, le président Donald Trump dispose de territoires qu’il ne possède pas, le premier ministre Benyamin Netanyahou ignore les résolutions des Nations-Unies et viole le droit international. L’Europe –dont la France- se tait et salue même « les efforts des Etats-Unis ».

Américains et Israéliens se leurrent en croyant que la puissance des uns et la capacité militaire des autres assureront la paix au Moyen-Orient. Les peuples de la région –comme les Arabes israéliens- supporteront de moins en moins leur domination. Ayant perdu l’espoir en un avenir qui leur soit propre, les Palestiniens de plus en plus nombreux, en déshérence et dispersés, nourriront une radicalité -dont celle des islamistes- menaçante pour la paix dans la région. L’hostilité arabe à l’égard d’Israël renaîtra de plus en plus vive au risque de compromettre l’avenir même d’Israël. L’accord éloignant la perspective d’une relation apaisée entre Israël et le monde arabe, l’Etat hébreu et son peuple s’enfermeront dans une posture, elle-même radicale, de rejet de leur environnement régional, dont ils ne pourront sortir indemnes.

Que pourra faire l’Europe si nul ne croit plus en sa parole ou, pire encore, si elle n’en a pas ?

Roland DUMAS (ancien ministre des Affaires Etrangères), Francis GUTMANN -président du Club-, Gabriel ROBIN (Ambassadeurs de France), Bertrand BADIE (Professeur des Universités), Denis BAUCHARD, Henri BENTEGEAT, Claude BLANCHEMAISON, Jean-Claude COUSSERAN, Dominique DAVID, Régis DEBRAY, Yves DOUTRIAUX, Anne GAZEAU-SECRET, Jean-Louis GERGORIN, Bernard MIYET, François NICOULLAUD, Jean-Michel SEVERINO, Pierre-Jean VANDOORNE.