Donald Trump, Emmanuel Macron et Theresa May ont tenu parole. Les trois dirigeants avaient jugé inacceptable le recours de Damas à des armes chimiques et promis des sanctions. Celles-ci sont venues, après plusieurs jours d’attente, sous la forme de frappes ciblées contre des installations militaires syriennes. Une opération ponctuelle, qui n’a fait aucune victime et qui avait pour but, selon ses initiateurs, de détruire la plus grande partie de l’arsenal syrien, en réplique à l’attaque du 7 avril.
Ce jour-là, en effet, un bombardement chimique a tué plusieurs dizaines de personnes dans la ville de Douma et exposé cinq cents autres à des agents chimiques toxiques. Une « ligne rouge » a ainsi été franchie par le régime de Damas. Le président américain avait aussitôt réagi par un tweet menaçant dans lequel il annonçait l’arrivée de missiles « beaux, nouveaux et intelligents ». Dans un langage plus mesuré, Emmanuel Macron et Theresa May s’étaient également dits prêts à l’action. Alors que le président français exprimait son intention de « s’attaquer aux capacités chimiques détenues par le régime », la première ministre britannique affirmait que l’agression syrienne ne pouvait « rester sans réponse ».
Une frappe « lourde » mais « proportionnée »
La réponse a donc été apportée, dans la nuit du 13 au 14 avril, par les trois puissances occidentales, qui ont coordonné leurs efforts pour tenter d’anéantir l’essentiel de l’armement chimique clandestin de Bachar al-Assad. Le secrétaire d’Etat américain à la défense, James Mattis, a parlé d’une frappe « lourde » mais « proportionnée ». Les cibles ont été choisies avec soin. Il fallait en effet mettre hors d’état de nuire la plupart des armes chimiques de Damas mais aussi éviter de toucher les forces russes, présentes sur de nombreuses bases.
La voie était étroite. La riposte devait aller au-delà d’une protestation symbolique face au « carnage chimique » dénoncé par l’ambassadeur de France aux Nations unies, François Delattre. Elle devait en même temps rester assez limitée pour ne pas relancer une « escalade » militaire, selon l’expression d’Emmanuel Macron, qui risquait d’échapper à ses initiateurs. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutteres, avait lui-même mis en garde les protagonistes contre le péril d’un « situation hors contrôle » et fait part de sa « grande inquiétude » face à « l’impasse actuelle ».
Un climat de guerre froide
Le danger était évidemment d’aggraver le conflit entre les pays occidentaux et la Russie, qui s’est instituée la protectrice de Bachar al-Assad, voire d’en revenir à un climat de guerre froide qui pourrait aller jusqu’à une confrontation militaire sur le terrain, ou plutôt dans le ciel, syrien. L’ambassadeur russe au Liban, Alexander Zassipkine, répondant à Donald Trump, n’a pas hésité à dramatiser la situation en affirmant qu’en cas de frappe, les missiles américains seraient abattus et les sources d’où proviennent ces missiles « prises pour cibles ».
Ces menaces n’ont pas suffi à dissuader les Occidentaux, qui ont le souvenir mordant de leur inaction quand en 2013 Bachar al-Assad avait recouru en toute impunité aux armes chimiques contre la population de la Ghouta orientale. Sauf à perdre toute crédibilité, ils ne pouvaient laisser passer sans réagir ce nouveau crime de guerre, alors même que, d’après l’organisation humanitaire Human Rights Watch, le régime de Damas a procédé à 85 frappes chimiques entre 2013 et 2017.
L’opération a été menée avec assez de maîtrise pour que l’escalade redoutée n’ait pas lieu. De ce point de vue, l’objectif a été atteint. Aucune unité russe n’a été atteinte par l’offensive des trois pays. Les échanges qu’elle a provoqués entre Washington et Moscou n’ont été que verbaux. Ainsi Donald Trump a-t-il invité Vladimir Poutine à « quitter la voie sinistre du soutien à Assad » tandis que le président russe dénonçait dans la riposte occidentale « un acte d’agression à l’encontre d’un Etat souverain ». On n’est pas dans le registre de la guerre. Le Conseil de sécurité a été convoqué à la demande de Moscou. Si la crise n’est pas close, la diplomatie reprend ses droits après le coup de semonce des trois capitales occidentales.