Le pays aux cèdres a démarré sa révolution le 17 octobre 2019 contre une classe politique corrompue et une faillite économique annoncée. Plus d’un an après, la situation économique a empiré et le pouvoir est resté entre les mains des mêmes dirigeants. C’est un projet de taxe sur la messagerie Whatsapp qui a mis le feu au poudre. Pour les Libanais, c’est la taxe de trop, ils descendent massivement dans la rue le 17 octobre 2019, demandent la démission du gouvernement et scandent des slogans révolutionnaires. Les rassemblements sont inter-générationnels et inter-confessionnels, fait remarquable dans un pays qui a connu 15 ans de guerre civile.
Les manifestants ne faiblissent pas, le mouvement s’inscrit dans la durée. Ils obtiennent la démission du gouvernement conduit par Saad Hariri. Après de longues tractations, Hassane Diab est nommé premier ministre. Il met en place un gouvernement de novices tout en étant adoubé par les principaux partis du pays. Les autres dirigeants politiques restent en place. La situation ne satisfait pas la rue, d’autant que la crise économique s’amplifie et que la livre libanaise perd de sa valeur chaque jour. A cette situation déjà critique viennent s’ajouter les mesures de lutte contre le coronavirus qui vont affaiblir encore plus l’économie libanaise. Certains qualifient le gouvernement Diab du plus mauvais de toute l’histoire du pays.
Le 4 août 2020, c’est le drame. Un entrepôt du port de Beyrouth est en feu. Il contient un stock de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium qui explose et génère une déflagration énorme. Le Nord-Est de la capitale libanaise est dévasté. On dénombre plus de 200 morts, des milliers de blessés et des dizaines de milliers de sans-abris. C’est la catastrophe de trop, le peuple redescend dans la rue et le 10 août, Hassane Diab démissionne. Son gouvernement n’aura pas tenu 7 mois. Mustapha Adib est alors nommé pour lui succéder.
Diplomate expérimenté mais novice en politique, il se heurte aux partis qui entendent placer les leurs et s’accrochent à certains portefeuilles. Le tandem chiite composé du puissant Hezbollah et de son allié Amal aura raison de la détermination d’Abid qui se résigne et abandonne la formation du gouvernement. Le pays est dans le flou, la crise est profonde et il n’y a pas de nouveau gouvernement. Les anciens ministres continuent de gérer les affaires courantes mais sont discrédités.
Le retour de Saad Hariri
Alors qu’il se disait rangé de la politique, c’est finalement Saad Hariri qui est rappelé et apparaît comme le seul capable de former le nouveau gouvernement. Bien que conspué par le peuple libanais, Hariri possède l’expérience et de nombreux contacts, tant au Liban qu’à l’international. Il manoeuvre donc entre les différentes factions pour lever les freins à la formation du gouvernement mais plus de deux mois après sa nomination, toujours rien. Les blocages persistent, cette fois avec le CPL, parti maronite du président de la République. Toujours pas de gouvernement officiellement nommé donc alors que désormais la moitié des Libanais vit sous le seuil de pauvreté. La livre dont le taux officiel est toujours à 1500 pour 1 dollar s’échange désormais au marché noir à 8500 pour 1 dollar. Les prix se sont envolés et certains produits, devenus trop chers, ont disparu des rayons. De nombreux commerces ont fermé et même les prestigieuses écoles privées craignent pour leur avenir en voyant les effectifs d’élèves fondre comme neige au soleil.
Au final donc, après plus d’un an d’une révolution qui a fait naître beaucoup d’espoirs, le Liban en est au même point. Saad Hariri est toujours premier ministre, Michel Aoun est toujours président de la République, Nabih Berri est toujours président du Parlement (depuis 28 ans) et Riad Salamé est toujours à la tête de la Banque du Liban. Rien n’a changé donc au pays des cèdres si ce n’est que sa population se bat au quotidien pour survivre...