Aoun président du Liban : un compromis entre les pro-Occidentaux et l’Iran

Après plus de deux ans de vacance, le poste de président du Liban a été enfin pourvu, le lundi 31 octobre, avec l’élection du général Michel Aoun par le Parlement. Cette décision est le fruit d’un compromis entre le camp pro-occidental et le Hezbollah, la milice chiite proche de l’Iran.

Michel Aoun avec le dirigeant du parti Hezbollah puis avec le patriarche maronite, une semaine avant le vote

Les apparences sont sauves. Les 127 députés du Parlement libanais se sont réunis, le lundi 31 octobre, à Beyrouth pour voter l’élection d’un président à la tête du Liban, après vingt-neuf mois de vacance.
Il aura fallu pas moins de quarante-six séances depuis la fin du mandat du président Michel Sleimane – un ancien chef d’état-major de l’armée libanaise –, en mai 2014, pour finalement consacrer l’heureux élu qui devra conduire durant six ans les affaires du pays du Cèdre.
C’est l’ancien chef d’état-major de l’armée libanaise durant la deuxième partie de la guerre civile (1975-1989), le général Michel Aoun, 81 ans, qui l’a emporté au deuxième tour de scrutin avec 83 voix contre 36 bulletins blancs, sept nuls plus un bulletin attribué à une députée qui n’était pas candidate.
Les quarante-cinq sessions précédentes avaient été boycottées par les groupes parlementaires du Courant patriotique libre (CPL), le mouvement de Michel Aoun, et par le Hezbollah, empêchant ainsi que le quorum soit atteint.

Aller à Canossa

Ce forcing politique a eu son effet puisqu’il a conduit au rapprochement entre les ennemis d’hier. D’un côté, Samir Geagea, chef des Forces libanaises, l’ancienne milice du camp chrétien omniprésente durant la guerre civile, et surtout Saad Hariri, ancien premier ministre et fils de Rafic Hariri assassiné en février 2005, qui représentent les intérêts saoudiens au Liban dont ils possèdent la nationalité. De l’autre, le Hezbollah, la milice chiite qui intervient, depuis 2012, aux côtés du président syrien Bachar el-Assad. Son boycottage des institutions libanaises a facilité la victoire de son allié chrétien dont le bloc parlementaire est, avec celui du sunnite Saad Hariri, le plus important du parlement libanais.
Le pro-saoudien Saad Hariri est allé à Canossa. En contrepartie, il sera chargé, selon l’accord conclu avec Aoun, de la formation d’un gouvernement d’union nationale. Il a cédé après avoir reçu des garanties du Vatican, de Paris, de Washington et de Moscou qui ont œuvré pendant plusieurs mois à dégager une solution libanaise sur fond d’impasse dans la guerre syrienne.

Défis multiples et intérêts divergents

Si Michel Aoun peut s’installer au palais présidentiel de Baabda, sur les hauteurs de Beyrouth, Saad Hariri aura une tâche plus difficile pour former un gouvernement d’union.
Or le temps presse. Des élections législatives doivent avoir lieu en juin 2017, alors que la composition du parlement actuel date de 2009 et qu’il s’est autoprorogé à deux reprises. Pour le prochain scrutin, une nouvelle loi électorale doit être votée.
Dans un pays où les rancœurs sont tenaces, alors que les alliances se font et se défont au gré des circonstances et des opportunités, il n’est pas certain que le fragile consensus du 31 octobre se reproduise aisément.
Car les défis sont multiples et les intérêts pour le moins divergents.
Mise à part la déliquescence criante des services publics (des milliers de tonnes d’ordures ménagères tapissent le territoire depuis de nombreux mois, la fourniture de l’eau et de l’électricité reste aléatoire, etc.), les enjeux politiques de la guerre en Syrie ont aiguisé et approfondi les clivages.
La présence sur le sol libanais de près d’un million et demi de réfugiés syriens viennent s’ajouter au demi-million de Palestiniens sur un territoire qui ne dépasse pas la superficie d’un gros département français (10 452 km2), la participation active de plusieurs milliers de combattants du Hezbollah en Syrie, enfin la radicalisation possible d’une partie de la communauté sunnite suite au retournement d’alliance ayant conduit à la situation actuelle seront, a priori, les principaux enjeux des futurs débats.
Pour l’heure, mise à part l’euphorie manifestée par les partisans du nouveau président, chacun retient son souffle. La Syrie est toujours en guerre et l’islam radical de Daech et consorts est loin d’être vaincu.
Les réformes institutionnelles que le nouvel élu a promis de mettre en place ne pourront se faire qu’à la condition que la nouvelle équipe puisse s’appuyer sur une large majorité. C’est le défi majeur auquel est confronté le pouvoir dans un pays encore fragilisé par une longue guerre civile.