La Martinique, entre développement et pauvreté

L’île de la Martinique, dans les Antilles, est un territoire ultramarin administré par la France. Comme les autres DROM, elle souffre de maux endémiques qui freinent son développement. Cependant, sa situation est moins préoccupante que des territoires comme Mayotte ou la Guyane.
Notrevcorrespondant Damien Gautreau analysepour Boulevazrd Extérieur la situation de cette île des Caraîbes.

Vue sur la Montagne Pelée
Damien Gautreau

Le territoire ultramarin le plus développé

La Martinique, dispute à l’île de la Réunion, la première place aux différents classements des départements d’Outre-mer. C’est elle qui affiche le PIB/habitant le plus élevé en 2021, ainsi que le taux de pauvreté le moins élevé et le taux de chômage le plus bas. La Martinique compte 349 925 habitants au 1er janvier 2024. Comme la Guadeloupe, l’île connaît un inquiétant déclin démographique et un vieillissement de sa population. La Martinique perd 1% de sa population chaque année, c’est le dernier département français pour la croissance de la population. Ce déclin démographique pose de nombreux problèmes.
Le taux de pauvreté, s’il est plus faible que dans les autres départements d’Outre-mer, demeure supérieur à la moyenne nationale avec 27% de la population concerné. Avec 13.4%, le taux de chômage est lui aussi au-dessus de la moyenne nationale même s’il est inférieur aux 18.6% de la Guadeloupe. Les maux endémiques des territoires ultramarins n’épargnent donc pas la Martinique.
Située dans le bassin caraïbe, la Martinique est un territoire attractif qui attire de nombreux visiteurs à la recherche de plages de rêves mais aussi de randonnées et d’une culture spécifique. Avec plus d’1 million de touristes en 2023, la Martinique se place juste derrière la Guadeloupe mais compte plus de visiteurs que la Réunion, la Guyane et Mayotte cumulées. Près de 300.000 croisiéristes font escale à la Martinique en 2023. L’île est parfaitement intégrée aux circuits des paquebots mais est aussi une escale importante pour les plaisanciers. La grande majorité des touristes sont originaire de France (68.4%), loin devant les Caribéens (21.2%), les Européens (4.6%) et les Canadiens (4.4%).
La balance commerciale de la Martinique est très largement déficitaire avec 3.5 milliards d’euros d’importations pour seulement 494 millions d’euros d’exportations. Cette situation est partagée par l’ensemble des territoires ultramarins, trop dépendants de la France. La grande majorité des échanges se font avec l’hexagone ou l’Europe et la Martinique, comme la Guadeloupe, n’est que faiblement intégrée à son environnement régional. L’économie de la Martinique repose sur deux piliers, le tourisme et l’agriculture. Cependant l’agriculture tropicale est en crise. La canne à sucre, destinée à la fabrication de sucre et de rhum, est concurrencée par celle d’autres producteurs, le Brésil notamment.
L’emploi public constitue une part très importante en Martinique. Le taux d’administration est très élevé, avec 108 emplois publics pour 1000 habitants, c’est le taux le plus élevé de France. L’Éducation Nationale y a une part plus élevée que dans l’hexagone. Le salaire des fonctionnaires est majoré en Outre-mer, cette majoration est de 40% en Martinique. Cependant, les habitants dénoncent régulièrement la “vie chère”, en effet, la communication coûte 31.4% plus cher en Martinique et l’alimentation 38.2%.

La Martinique face à la violence et aux risques naturels

Troisième région la plus inégalitaire de France, la Martinique connaît une délinquance importante. L’île est devenue ces dernières années une plaque tournante du trafic de drogue, en témoigne les saisis records, plus de 9 tonnes de cocaïne au large de l’île en janvier 2025 et 1.2 tonnes en mars, soit plus de 10 tonnes au premier trimestre 2025. Bruno Retailleau a par ailleurs décidé d’instaurer la politique du « 100% contrôle » à l’aéroport Aimé Césaire dès le 14 mai 2025, pour la première fois en Martinique. Parallèlement au trafic de drogue, le taux d’homicide pour 100.000 habitants est très élevé : 4.8 ; c’est le troisième de France après la Guyane et la Guadeloupe. Les gangs se livrent une véritable guerre pour le contrôle du trafic. L’île dispose de 3.3 policiers ou gendarmes pour 1000 habitants, soit moins qu’en Guyane (5.1) mais plus qu’à la Réunion (1.4).
La Martinique est fortement exposée aux risques naturels et climatiques. Le risque sismique et volcanique est très présent. De nombreux séismes de faible magnitude (4,6 le 27 avril 2025 par exemple) se font régulièrement sentir. La non-conformité d’une grande partie des bâtiments aux normes antisismiques a de quoi inquiéter. Même si le volcan de la Montagne Pelée est calme depuis l’éruption meurtrière de 1932, il demeure en activité. Son réveil soudain serait dramatique pour une grande partie de l’île. Le risque cyclonique est lui aussi très présent, comme dans toute la zone caraïbe, à l’image de l’ouragan Béryl en juillet 2024, ou encore Dorothy qui, en août 1970 tua 44 personnes et fit plus de 5000 sinistrés. Ces épisodes cycloniques, ou autres tempêtes tropicales, entraînent régulièrement des inondations importantes, comme à Rivière-Pilote les 9 et 10 septembre 2024, ou encore à la Trinité le 24 avril 2025.

La Martinique, à l’instar de la Guadeloupe, connaît une importante érosion marine. Sur les 34 communes de l’île, 27 sont touchées par le phénomène, à l’image de Sainte-Luce, Sainte-Marie ou encore Le Lorrain. Chaque année le littoral martiniquais recule d’environ 1mètre. Le phénomène, déjà préoccupant, risque fort de s’accentuer avec le réchauffement climatique. Cela va entraîner, de fait, la relocalisation d’un grand nombre d’habitants et d’activités économiques.
La Martinique fait aussi face au fléau que constitue l’échouement massif de sargasses sur son littoral. Ces algues brunes qui émettent un gaz toxique lors de leur décomposition, arrivent en masse entre mai et octobre. Leur ramassage et leur stockage sont donc un défi de taille pour les collectivités locales. Le phénomène semble s’accentuer avec le réchauffement climatique. Les conséquences, tant sanitaires qu’économiques sont importantes et aucune solution durable ne se profile à l’horizon.

La Martinique est donc un territoire complexe, à la fois en retard de développement, comme les autres DROM, mais qui se trouve dans une situation moins désespérée que certains, comme la Guyane. Elle doit néanmoins faire face à de nombreux défis, tant sur le plan économique, que social ou encore environnemental. Même si l’aspiration à davantage d’autonomie prend de l’ampleur sur l’île, l’Etat doit néanmoins être au rendez-vous et ne pas abandonner les Martiniquais à leur sort.