
Les sociaux-démocrates n’ont pas attendu longtemps, le dimanche 14 mai au soir, pour concéder leur défaite. Hannelore Kraft, la ministre-présidente du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie, a démissionné de toutes ses fonctions. Il y a peu elle était encore la femme la plus puissante du SPD. On parlait même d’elle pour défier Angela Merkel à Berlin.
Le candidat à la chancellerie, Martin Schulz, a reconnu passer « un moment difficile ». Mais l’ancien président du Parlement européen, qui est nouveau dans la politique nationale allemande, veut croire que « le prochain round n’est pas encore perdu ». Il a annoncé des initiatives concrètes, dont des investissements dans l’éducation et les nouvelles technologies.
Un cinquième du corps électoral
Il n’en reste pas moins que la situation du SPD est préoccupante. « Si Hannelore [Kraft] gagne, je serai chancelier », disait Martin Schulz au début d’avril. L’inverse est-il vrai ? La Rhénanie du Nord-Westphalie est le Land le plus peuplé d’Allemagne, avec 18 millions d’habitants — plus que dans toute l’ancienne Allemagne de l’Est – et 13 millions d’électeurs, un cinquième du corps électoral allemand. Les élections régionales étaient donc un test grandeur nature que les sociaux-démocrates ne pouvaient pas manquer s’ils voulaient avoir une chance de diriger le prochain gouvernement fédéral.
Or dans ce Land qu’ils gouvernent depuis 1966, mise à part une petite interruption au début des années 2000, ils reculent de près de 8 points et avec 31,2% des voix ils perdent leur première place. Malgré un chef de file considéré comme peu charismatique, Armin Laschet, la démocratie-chrétienne gagne 8 points à 33%. Les libéraux (12,6%) font un bond en avant et pourront former une coalition régionale avec la CDU. Les Verts (6,4%) perdent près de la moitié de leurs voix. La gauche radicale rate de peu l’entrée au Parlement régional, tandis que le parti populiste AfD y entre, avec 7,4%.
Des thèmes régionaux
Pour ne pas obérer les chances du SPD au niveau national, Hannelore Kraft avait insisté pour que son parti fasse une campagne uniquement sur les thèmes régionaux. Malgré une amélioration sensible de la situation économique dans l’ancien bastion industriel de la Ruhr et la baisse du chômage, les électeurs ne l’ont pas porté au crédit du gouvernement régional, une coalition entre les sociaux-démocrates et des Verts.
La politique de l’éducation était particulièrement critiquée, comme la politique sécuritaire. Le ministre régional de l’intérieur avait été mis en cause pour sa gestion des suites de la nuit de la Saint-Sylvestre 2015-2016 marquée par une centaine d’agressions sexuelles à Cologne, et pour les erreurs commises dans la surveillance d’Anis Amri, le terroriste responsable de l’attentat contre le marché de Noël de Berlin, à la fin de l’année dernière.
Le « soufflé Schulz » est vite retombé. Après son élection à la présidence du SPD, à la place de Sigmar Gabriel, et comme candidat-chancelier, l’ancien président du Parlement européen a connu un état de grâce. Dans les sondages le SPD faisait jeu égal avec la CDU/CSU et Martin Schulz lui-même avait une cote de popularité plus élevée qu’Angela Merkel.
Fin de l’embellie
L’embellie n’a pas duré. Le SPD est retombé à près de 10 points derrière la démocratie-chrétienne et Angela Merkel refait la course en tête. Depuis le début de l’année, les sociaux-démocrates ont perdu les trois élections régionales au programme : en Sarre, où ils espéraient ravir le gouvernement à la CDU, au Schleswig-Holstein, où la coalition qu’ils dirigeaient a été battue, et enfin en Rhénanie du Nord-Westphalie.
Sigmar Gabriel avait cédé la place à Martin Schulz parce qu’il était conscient de sa faible popularité. Il était de plus gêné pour critiquer Angela Merkel avec laquelle il avait gouverné pendant quatre ans. Martin Schulz devait se sentir plus libre. Il en a profité pour laisser penser qu’il pourrait diriger une coalition dite rouge-rouge-verte, c’est-à-dire réunissant le SPD, la gauche radicale Die Linke et les écologistes.
La CDU/CSU a utilisé cette hypothèse pour dénoncer l’alliance avec les anciens communistes et se repositionner à droite. Angela Merkel en a profité pour faire taire les critiques dans son propre parti qui lui reprochaient la « social-démocratisation » de sa politique. Et de mener campagne sur un thème cher à la démocratie-chrétienne depuis Adenauer : « Keine Experimente ».