La France, ancienne puissance coloniale, jouit encore des vestiges de son empire. Ces diverses possessions, dans tous les océans, lui assurent la deuxième plus grande Zone Économique Exclusive (ZEE) au monde. C’est un atout exceptionnel pour une puissance en reconstruction comme la France. Si l’intérêt des grandes puissances semble se concentrer sur le vaste ensemble indo-pacifique, le bassin caraïbe n’est pas sans atout. La France y exerce sa souveraineté sur plusieurs territoires, deux COM (Saint-Martin et Saint- Barthélemy) et trois DROM (Guadeloupe, Martinique et Guyane).
Des atouts considérables
Les territoires français de la zone caraïbe présentent plusieurs atouts. Tout d’abord, ils constituent autant de relais pour la puissance militaire française et peuvent servir de point d’appui pour des opérations dans la région. Aéroports et aérodromes, ports en eau profonde, bases militaires, les infrastructures existantes, tant aux Antilles qu’en Guyane, permettent à la France de disposer d’une capacité de projection importante et de rayonner sur une bonne partie du continent américain. De plus, la Guyane constitue depuis longtemps un terrain d’entraînement idéal pour les troupes françaises et les stages extrêmes qu’y organise la légion étrangère sont devenus légendaires.
Ces territoires ultramarins peuvent aussi constituer une manne financière pour la France, même si ce n’est pas le cas aujourd’hui. Outre le tourisme, qu’il soit de masse en Guadeloupe, Martinique et Saint-Martin, de luxe à Saint-Barthélemy ou de pleine nature en Guyane, ce vaste ensemble bénéficie de climats propices aux cultures tropicales comme la banane et la canne à sucre. En plus des revenus du tourisme et de l’agriculture, la France peut exploiter les ressources de ces espaces, comme les réserves halieutiques et d’hydrocarbures. Rappelons aussi que la Guyane dispose d’importantes réserves d’or.
Enfin, c’est en Guyane, à Kourou que se trouve le seul site de lancement européen. L’Agence Spatiale Européenne y opère de nombreux lancements, et le Centre Spatial Guyanais permet à l’Europe d’être indépendante dans un secteur à fort enjeux. De plus n’oublions pas l’apport culturel de ces territoires, que ce soit avec des auteurs de renom comme Aimé Césaire, Édouard Glissant et Maryse Condé, des personnalités politiques de premier plan à l’image de Félix Éboué ou Christiane Taubira, des styles musicaux uniques, une véritable gastronomie et de nombreux champions (Marie-José Pérec, Teddy Riner, Laura Flessel, Lillian Thuram...)
Des lacunes à combler
Malgré ces nombreux atouts, les territoires ultramarins français sont sous-développés. Les investissements de la France y sont insuffisants et ces territoires cumulent les retards. Alors que le PIB/habitant moyen en France est de 29200 euros, il n’est que de 24110 euros en Martinique, 22427 en Guadeloupe et seulement 14879 en Guyane1. De même avec les taux de pauvreté qui dépassent largement la moyenne nationale (14%) et culminent à 27% en Martinique, 34% en Guadeloupe et même 44% en Guyane2. À Saint-Martin la situation n’est pas meilleure puisque le PIB/habitant y est de 16572 euros et que le taux de chômage est de 33,1%3, soit bien plus qu’en France métropolitaine (7,3%) et même qu’en Guadeloupe avec 18,3%4.
Ces territoires font aussi face à des problèmes de distribution de l’eau courante, en particulier en Guadeloupe où les coupures sont fréquentes. Les infrastructures routières, électriques, de distribution et d’assainissement de l’eau ou encore de gestion des déchets sont insuffisantes et mal entretenues. Les transports en commun sont absents ou sous- dimensionnés. Par conséquent, les habitants de ces territoires se sentent abandonnés et on y assiste régulièrement à des mouvements de contestations, comme en Guadeloupe en 2009 et 2021 ou en Guyane en 2017.
En Guyane, la situation est particulièrement inquiétante, les investissements y sont insuffisants et ne parviennent pas à absorber l’importante croissance démographique. Les résultats scolaires sont faibles avec seulement 84% de réussite au baccalauréat en 2023 contre 93,7% au niveau national. La violence gangrène le territoire qui affiche le taux d’homicide la plus élevé de France, devant la Guadeloupe et la Martinique. Ce taux est trois fois plus élevé qu’en Corse et quatre fois plus que dans les Bouches du Rhône. La situation environnementale n’est pas mieux avec l’érosion marine, la destruction de la mangrove et l’orpaillage lequel entraîne déboisement et pollution des cours d’eau.
Pour conclure, si la possession de plusieurs territoires dans le bassin caraïbe est une véritable aubaine pour la France et constitue un vecteur de sa puissance, il faut être vigilent et ne pas négliger le développement de ces territoires où les mouvements sociaux sont fréquents et où la volonté d’autonomie se fait de plus en plus grande.