Au Brésil, le rejet des vieux partis favorise les candidats hors système

L’incertitude continue de peser sur l’avenir de l’ancien président Lula, en prison après une condamnation pour corruption et présumé inéligible, que le Parti des travailleurs vient de désigner comme son candidat à l’élection présidentielle d’octobre prochain et que les sondages placent largement en tête du scrutin. Si sa candidature est invalidée, c’est l’ancien maire de Sao Paulo, Fernando Haddad, qui le remplacera. Toutefois, le désenchantement de la population à l’égard des vieux partis, trop souvent compromis dans des scandales de corruption, peut favoriser les outsiders, qu’ils se situent à gauche, comme Marina Silva, ou à l’extrême-droite, comme Jair Bolsonaro.

Les principaux candidats à l’élection présidentielle au Brésil
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Au Brésil, depuis près de vingt-cinq ans, le second tour de l’élection présidentielle oppose un candidat du Parti des travailleurs (Lula à quatre reprises puis Dilma Rousseff deux fois) à un représentant du Parti de la social-démocratie brésilienne (Fernando Henrique Cardoso deux fois, José Serra deux fois, Geraldo Alckmin puis Aecio Neves). Classique affrontement gauche-droite entre un parti qui se réclame d’un socialisme démocratique et un parti qui, né au centre gauche, est devenu le porte-parole de la droite libérale.

Le Parti des travailleurs (PT), fondé en 1980 à Sao Paulo dans le contexte de grèves dures contre la dictature militaire, est dominé par la personnalité de l’ancien syndicaliste Luiz Inacio Lula da Silva, dit Lula, élu en 2002 et en 2006 à la présidence du pays, avant de céder la place à sa dauphine, Dilma Rousseff, élue en 2010 et 2014. Le Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB), né en 1988, est aujourd’hui la principale force d’opposition. L’ancien président Fernando Henrique Cardoso (1994-2002), intellectuel reconnu, reste sa figure la plus prestigieuse.

L’improbable candidature de Lula

Le troisième grand parti brésilien, le Mouvement démocratique brésilien (MDB), anciennement Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), fondé en 1965, était le seul parti d’opposition autorisé sous la dictature militaire. Il a conquis la présidence en 1985 après le retour de la démocratie, d’abord avec Tancredo Neves, mort en avril de la même année avant d’exercer sa fonction, puis avec son vice-président, José Sarney, devenu président jusqu’en 1990. Dans la période récente, il s’est allié avec le Parti des travailleurs avant de rompre avec lui. Son chef de file, Michel Temer, élu en 2010 puis de nouveau en 2014 vice-président auprès de Dilma Rousseff, assure la présidence depuis la destitution de celle-ci en 2016.

En dépit de l’extrême fragmentation du paysage politique brésilien et de la fragilité des appartenances partisanes, ces trois formations vont jouer un rôle-clé dans l’élection présidentielle des 7 et 28 octobre. Chacune d’elle a annoncé les noms de ses candidats à la présidence et à la vice-présidence. Pour le Parti des travailleurs, ce sera, en principe, Lula, qui tentera d’obtenir un troisième mandat, assisté, pour la vice-présidence, de l’ancien ministre et ancien maire de Sao Paulo, Fernando Haddad. Si la candidature de Lula était invalidée en raison de sa condamnation pour corruption, ce qui semble probable, Fernando Haddad serait candidat à la présidence. Il ferait alors équipe avec la jeune représentante du Parti communiste (PC do B), Manuela d’Avila, journaliste, qui renoncerait à se présenter à la présidence.

La chance des écologistes et de l’extrême-droite

Les deux principaux partis de droite ont également choisi leurs candidats. Pour le PSDB, Geraldo Alckmin, déjà candidat en 2006 et battu alors par Lula, tentera une deuxième fois sa chance. Gouverneur de l’Etat de Sao Paulo de 2001 à 2006, puis de 2011 à 2018, ce médecin d’origine libanaise (comme Fernando Haddad, son éventuel concurrent) vient de renoncer à son mandat pour se lancer dans la campagne. La candidate à la vice-présidence sera la sénatrice et ancienne journaliste Ana Amélia. Pour le MDB, c’est Henrique Meirelles, ministre des finances jusqu’en avril dernier, président de la Banque centrale de 2003 à 2010, qui sera en lice, accompagné de l’ancien gouverneur de l’Etat du Rio Grande do Sul, Germano Rigotto.

Toutefois, à l’exception de Lula, crédité de 30% des voix au premier tour, ces candidats sont, pour le moment, mal placés par les sondages. Il se pourrait qu’ils soient devancés par deux outsiders, l’un à gauche, l’autre à l’extrême-droite. A gauche, l’écologiste Marina Silva, ancienne ministre de l’environnement sous la présidence de Lula, associée à un représentant du Parti Vert, Eduardo Jorge, constitue une menace pour les formations traditionnelles. Déjà candidate en 2010 et en 2014, elle est arrivée les deux fois en troisième position. Les sondages la créditent d’un bon score. Il en est de même, à l’extrême-droite, pour Jair Bolsonaro, ancien capitaine d’artillerie, qui se présente sous les couleurs du Parti social libéral, en compagnie d’un autre militaire, le général Antonio Hamilton Mourao, et qui cultive la nostalgie de la dictature militaire. Marina Silva, comme Jair Bolsonaro, bénéficient du rejet des vieux partis et du dégoût d’une grande partie de la population face aux nombreux scandales de corruption.