Les Allemands voteront le 24 septembre pour renouveler le Bundestag. D’ici là il ne faut pas s’attendre à de vrais changements dans la position officielle sur la réforme de la zone euro. Il suffit de sous-entendre que l’Allemagne pourrait être amenée à payer plus en faveur des Etats moins disciplinés pour effrayer la majorité des électeurs. Angela Merkel, qui vise un quatrième mandat, ne prendra pas ce risque.
Une amabilité de courte durée
Après avoir eu des mots très aimables pour Emmanuel Macron au soir de son élection, elle a fait dire dès le lendemain par son porte-parole son opposition à la création d’eurobonds, cette vieille idée française défendue aussi par le nouveau président de la République.
Il s’agirait d’émettre des obligations garanties par tous les Etats européens pour couvrir tout ou partie des dettes. Les Allemands craignent d’être les premiers payeurs en cas de défaillance d’un de leurs partenaires. Ils ne veulent pas de ce qu’ils appellent une « union de transfert ». Ils estiment avoir déjà fait suffisamment de concessions en acceptant la création du Mécanisme européen de stabilité (MES) et la mise à disposition de liquidités par la Banque centrale européenne. Ils font leur le jugement du président de l’Association de l’industrie et de l’artisanat, Eric Schweizer : une communautarisation des dettes « affaiblirait l’attractivité de l’Allemagne et de l’Europe car les actionnaires et les épargnants pourraient perdre confiance dans l’euro ».
De même, les responsables chrétiens-démocrates se sont succédé depuis dimanche pour critiquer les propositions d’Emmanuel Macron visant à créer un budget, un parlement et un ministre de l’économie et des finances de la zone euro. Soit ils considèrent que tout cela est superflu, voire dangereux, soit que les mécanismes existant sont largement suffisant pour faire face à des chocs asymétriques touchant certains pays membres.
Le même credo
Leur credo reste le même : la France doit d’abord se réformer elle-même avant de chercher à réformer l’Europe. Le chef des libéraux, Christian Lindner le formule ainsi : « La France ne réglera pas ses problèmes avec la planche à billets mais avec des réformes économiques. Nous plaçons nos espoirs dans Macron mais il ne doit pas faire plus de dettes qu’autorisé [par les traités]. »
Le ministre allemand des finances Wolfgang Schäuble a parfois suggéré des propositions proches de celles d’Emmanuel Macron mais dans un esprit un peu différent. Cet ancien partisan convaincu de l’intégration européenne est devenu au fil des ans et des crises un adepte de la méthode intergouvernementale.
S’il n’est pas opposé à la création d’un poste de ministre des finances de la zone euro, il veut limiter sa compétence à la surveillance du respect des règles budgétaires par les Etats membres. Il se prononce pour la création d’un Fond monétaire européen, à partir du MES, qui, selon lui, remplirait la même fonction – limitée – d’un budget européen. A savoir jouer un rôle stabilisateur en temps de crise quand Emmanuel Macron imagine une réserve pour des investissements dans les pays en difficultés. Tout doit en tous cas se faire dans le cadre des traités existants.
Quant à la proposition française d’instituer un Buy European Act, sur le modèle du Buy American Act pour donner la priorité aux entreprises établies en Europe dans les commandes publiques, ou à l’instauration d’un contrôle européen sur les investissements étrangers, Angela Merkel, sans les rejeter formellement, a manifesté son scepticisme.
Un argument politique
Les sociaux-démocrates, qui sont dans la position difficile d’alliés et de la CDU/CSU dans le gouvernement fédéral et de concurrents aux prochaines élections, se montrent plus réceptifs aux propositions françaises mais leurs chances de diriger la future coalition issue des urnes s’amenuisent de jour en jour.
Cela ne signifie pas dire que l’Allemagne ait dit son dernier mot et que les initiatives d’Emmanuel Macron se heurteront à une fin de non-recevoir définitive. Il faut laisser passer les élections de septembre. Ces quelques mois donnent le temps aux nouvelles autorités françaises de manifester leur volonté de conduire les réformes économiques et sociales longtemps ajournées et donc de convaincre leur principal partenaire du sérieux de leurs intentions.
A cela s’ajoute un argument politique : les Allemands se sont félicités de la victoire d’Emmanuel Macron aussi parce qu’ils s’étaient fait peur en envisageant un succès de Marine Le Pen. Ils doivent comprendre, souligne le magazine Der Spiegel, que s’ils n’aident pas le nouveau président français à réussir en se montrant moins dogmatiques, ils propulseront les populistes vers le pouvoir.