Brexit : Michel Barnier négociateur de la Commission

Jean-Claude Juncker a choisi l’ancien ministre français Michel Barnier pour représenter la Commission dans la négociation sur les modalités du retrait britannique de l’Union européenne. Cet homme qui appartient à la droite modérée n’a jamais dévié de son engagement européen. Si certains le jugent effacé, il passe pour un bon négociateur et pour un habile politique. Ancien commissaire européen de 1999 à 2004 puis de 2010 à 2014, il connaît bien les dossiers qui seront au cœur des pourparlers avec le Royaume-Uni.

Michel Barnier
Europe I

L’équipe de négociation qui sera chargée, au nom de l’Europe, de discuter avec le Royaume-Uni des conditions de sa sortie de l’Union se met en place sans attendre la notification officielle par Londres de sa volonté de rupture. Après la nomination, le 25 juin, par le président du Conseil européen, Donald Tusk, du diplomate belge Didier Seeuws comme négociateur en chef du Conseil, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a nommé, le 27 juillet, l’ancien ministre français Michel Barnier comme négociateur en chef de la Commission. Il sera le responsable du groupe de travail de la Commission chargé de la préparation et de la conduite des pourparlers.

Les deux hommes sont des vétérans des institutions européennes. M. Seeuws a été le conseiller puis le chef de cabinet du président du Conseil européen, Herman van Rompuy, avant d’être nommé directeur de département. M. Barnier, ancien commissaire européen, est depuis février 2015 conseiller spécial de Jean-Claude Juncker pour la politique de défense et de sécurité. Les deux institutions - le Conseil et la Commission – seront associées l’une et l’autre à l’élaboration du futur accord, qui doit être adopté par le Conseil à la majorité qualifiée après approbation du Parlement européen.

La négociation portera d’abord sur les conditions du retrait britannique, ensuite sur l’établissement de nouvelles relations entre Londres et Bruxelles. Le retrait est prévu par l’article 50 du traité sur l’Union européenne. Ce texte précise que « tout Etat membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union ». Celle-ci « négocie et conclut avec cet Etat un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union ». La déclaration commune des chefs d’Etat et de gouvernement, le 29 juin, au lendemain du référendum britannique, soulignait la nécessité « d’organiser le retrait du Royaume-Uni de l’UE de manière ordonnée ». Ce retrait ordonné sera la première tâche des négociateurs.

Un partenariat nouveau

Mais leur rôle sera aussi d’ouvrir la voie aux relations nouvelles entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. En principe, les deux négociations seront séparées mais en pratique elles pourront se chevaucher. L’article 50 du Traité sur l’Union européenne le suggère en notant que l’accord sur le retrait d’un Etat membre doit tenir compte « du cadre de ses relations futures avec l’Union ». De même, le communiqué de Jean-Claude Juncker annonçant la nomination de Michel Barnier précise que celui-ci aidera l’UE à « mettre en place un partenariat nouveau avec le Royaume-Uni après son retrait de l’Union ».
La question-clé de ce partenariat à venir sera de savoir comment permettre au Royaume-Uni de conserver l’accès au marché unique tout en refusant de respecter le principe de la libre circulation des personnes. François Hollande a déjà averti les Britanniques qu’ils ne pourront pas obtenir l’un sans l’autre.

La négociation sera difficile aussi bien pour dénouer les multiples liens qui se sont établis depuis l’adhésion du Royaume-Uni en 1973 que pour créer de nouveaux liens qui répondent aux demandes des deux parties. Placée au cœur du dispositif, la Commission, forte de son expérience et du savoir-faire de ses fonctionnaires, jouera un rôle essentiel dans cette entreprise. En nommant Michel Barnier pour la représenter, Jean-Claude Juncker a jugé que le choix d’un homme politique serait un atout pour gérer ce dossier. Michel Barnier est en France une des rares personnalités politiques dont l’engagement européen ne se soit jamais démenti.

Habileté et ténacité

Ministre délégué aux affaires européennes de 1995 à 1997, commissaire européen chargé de la politique régionale de 1999 à 2004, ministre des affaires étrangères de 2004 à 2005, ministre de l’agriculture de 2007 à 2009, commissaire européen chargé du marché intérieur et des services de 2010 à 2014, il est un de ceux qui connaissent le mieux les institutions européennes. Certains le jugent effacé. Appartenant à la droite modérée, il n’est pas un bateleur de tribune mais un travailleur discret qui fait avancer patiemment ses idées. « Il dispose d’un vaste réseau de contacts dans les capitales de tous les Etats membres ainsi qu’au sein du Parlement européen », souligne le président de la Commission.

Cet homme de dialogue et de conciliation, âgé aujourd’hui de 65 ans, que Jean-Claude Juncker présente comme « un négociateur chevronné », a connu quelques échecs, notamment face à ce même Jean-Claude Juncker dont il a été le rival malheureux pour la présidence de la Commission, mais il a su rebondir avec une certaine habileté et beaucoup de ténacité, deux qualités requises d’un bon négociateur. Il n’a pas hésité à irriter les Britanniques lorsqu’il était commissaire au marché intérieur et que la City redoutait ses initiatives en matière de réglementation bancaire et financière. Il va les retrouver en face de lui dans la périlleuse gestion du Brexit.