La troisième session de négociations entre le gouvernement britannique et la Commission européenne sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE s’est achevée, jeudi 31 août, sur un constat de désaccord. Les deux délégations se sont séparées dans une atmosphère de mutuelle défiance. Leur conférence de presse commune a été marquée par une forte tension. Chacun des deux camps rejette sur l’autre la responsabilité de l’échec. Michel Barnier, chef de la délégation européenne, qui avait agacé les Britanniques en leur demandant de « commencer à négocier sérieusement », s’est dit « inquiet » du blocage. Du côté britannique, le ministre du Brexit, David Davis, a souligné l’approche pragmatique de Londres et regretté que la Commission ne fasse pas preuve de la même « flexibilité ».
Le principal motif de discorde concerne la facture demandée au Royaume-Uni avant qu’il ne quitte l’UE. Ce sujet est l’une des trois questions préalables mises sur la table par Bruxelles (avec le statut des expatriés et l’avenir de la frontière nord-irlandaise) mais c’est aussi la plus sensible. Michel Barnier reproche aux Britanniques de refuser de s’engager dans cette discussion en présentant des propositions chiffrées. Londres, qui n’entend pas jouer trop tôt ce qui constitue sa meilleure carte, veut obtenir l’ouverture parallèle de la négociation sur la future relation commerciale entre le Royaume-Uni et l’UE. Pour les Britanniques, les deux sujets sont « intrinsèquement liés ». La Commission, en revanche, demande que des « progrès suffisants » soient enregistrés sur le premier pour que la discussion avance sur le second.
Michel Barnier a qualifié de « nostalgique » et d’« irréaliste » la position de Londres. En réponse, le ministre britannique du commerce, Liam Fox, a dénoncé le « chantage » exercé sur son pays. Du côté européen, on affirme avec force que la Commission, en l’état actuel des discussions, ne pourra pas recommander aux chefs d’Etat et de gouvernement, dont elle tient son mandat de négociation, d’aborder la phase suivante. Le Daily Mail, quotidien populaire conservateur, a comparé l’attitude européenne à une « tentative délibérée de saboter les négociations ». Bref, le ton monte entre les deux parties. Comme le notait il y a quelques jours le premier ministre slovène, Miro Cerar, dans un entretien au Guardian, les deux délégations sont trop éloignées l’une de l’autre pour que les divergences puissent être surmontées avant le sommet européen d’octobre.
Selon le représentant permanent de la France à Bruxelles, le diplomate Pierre Sellal, les Européens respectent la volonté des Britanniques de se retirer du marché unique et de l’union douanière, mais ils ont l’impression que ceux-ci refusent d’en tirer toutes les conséquences. Ce sentiment expliquerait en grande partie le dialogue de sourds entre les deux camps. Dans un récent éditorial, le Guardian souligne, sous la plume de son correspondant pour les affaires européennes, Jon Henley, que « le désaccord profond entre les deux parties sur la question cruciale de savoir comment la facture sera calculée, sans même parler de son montant réel, crée de l’incertitude, et même de la méfiance, à Bruxelles et dans les capitales européennes sur les intentions réelles du Royaume-Uni ».
Les prochains cycles de négociation tenteront de dissiper les malentendus qui bloquent les pourparlers en cours. En dépit des petites phrases qui dégradent le climat, un compromis demeure possible. Les deux parties y ont intérêt. Au moment où les principaux dirigeants européens, Emmanuel Macron et Angela Merkel en tête, cherchent les moyens de relancer l’Union, il leur faut régler au plus vite la question britannique afin de préparer dans les meilleures conditions l’après-Brexit, notamment dans le domaine de la défense et de la sécurité, où la coopération avec le Royaume-Uni restera. Quant à Theresa May, elle doit manœuvrer avec prudence à la fois pour préserver l’avenir économique du pays et pour répondre à son opposition travailliste, qui appelle à une sortie en douceur.