Compromis sur le détachement des travailleurs

Le Parlement européen a adopté, mardi 29 mai, à Strasbourg une directive révisée sur le statut des travailleurs détachés, venus travailler temporairement dans un autre pays de l’Union que le leur. Ce texte vise à lutter contre la concurrence déloyale entre les travailleurs étrangers et les travailleurs nationaux en favorisant l’égalité de leurs rémunérations et de leurs conditions de travail. Une question qui a suscité de nombreux débats en France, notamment en 2005, à l’occasion du référendum sur la Constitution européenne. La co-rapporteure du projet, Elisabeth Morin-Chartier, a salué « une orientation claire vers une Europe plus sociale ».

Un "plombier polonais" dé...tourné
Foto : Det polske turistbureau (détail)

Un dossier hautement inflammable, celui des travailleurs détachés, devenu pour beaucoup le symbole des errements de l’Union européenne, vient d’être clos par le Parlement européen, mardi 29 mai, après de nombreuses années de polémiques et de longs mois de négociation. Ce thème a nourri, en France et ailleurs, de vives controverses entre les pro-européens et les anti-européens. Le vote des eurodéputés, qui fait suite au compromis passé entre les Etats en octobre 2017, conclut un cycle de discussions dont l’âpreté a pesé sur l’évolution de l’Union européenne et sur la perception qu’en ont les opinions publiques. Ainsi, il y a treize ans, le mythe du « plombier polonais », concurrent déloyal de ses homologues nationaux, a-t-il largement contribué en France à l’échec du projet de Constitution européenne.

L’Europe, affirmaient les opposants au traité, organise une concurrence faussée entre les travailleurs français et les travailleurs venus des pays les plus pauvres de l’Union européenne, à commencer par les anciens pays communistes, en offrant à ceux-ci le statut de « travailleur détaché », qui coûte moins cher à leurs employeurs. Au-delà des termes mêmes du traité constitutionnel et des débats connexes sur la « directive Bolkestein » relative à la libre circulation des services, ce qui était mis en cause était une directive de 1996 qui autorisait un ressortissant d’un Etat membre, détaché de son entreprise dans un autre Etat membre, à y travailler temporairement tout en continuant à verser ses cotisations sociales dans son pays d’origine.

A travail égal rémunération égale

Avec l’adhésion des anciens Etats communistes en 2004, les différences entre les niveaux de charges sociales se sont en effet accrues au sein de l’Union européenne, favorisant une forme de « dumping social » au détriment des travailleurs des pays les plus riches. La directive de 1996 n’était donc plus adaptée à la réalité du marché du travail en Europe. Il fallait la réviser pour mettre fin à cette distorsion. La Commission européenne, par la voix de sa commissaire au travail, la Belge Marianne Thyssen, a présenté des propositions en mars 2016. Les gouvernements ont trouvé un accord en juin 2017 mais, à la demande d’Emmanuel Macron, ils ont remis le texte en chantier pour aboutir enfin à un compromis en octobre. Le Parlement européen a achevé le travail le 29 mai en donnant son approbation par 456 voix contre 147 et 49 abstentions.

La directive révisée se fonde sur le principe « à travail égal rémunération égale ». Elle ne remet pas en cause le versement des cotisations sociales dans le pays d’origine mais précise que les conventions collectives du pays d’accueil s’appliqueront à tous, y compris aux travailleurs détachés, qui toucheront les mêmes primes que les travailleurs nationaux, et que les frais d’hébergement ou de restauration seront à la charge des employeurs, alors que ceux-ci avaient souvent pour habitude de les déduire des salaires. Ainsi favorisera-t-elle une plus grande égalité entre les travailleurs, même si des différences demeurent sur le montant des charges sociales. Le détachement sera limité à douze mois, extensible dans certaines conditions à dix-huit mois, et il pourra s’appliquer au secteur des transports lorsque celui-ci aura fait l’objet d’une législation spécifique.

Une concurrence plus saine entre les entreprises

Des concessions mutuelles ont permis à la négociation d’aboutir malgré l’opposition initiale des anciens pays communistes, d’où vient un grand nombre de travailleurs détachés. Seuls quatre d’entre eux – la Hongrie, la Pologne, la Lettonie et la Lituanie – ont voté contre au Conseil des ministres. La Française Elisabeth Morin-Chartier, co-rapporteure du texte avec la Néerlandaise Agnès Jongerius, a souligné que celui-ci offrirait aux travailleurs « de meilleures conditions de travail » tout en assurant aux entreprises « une protection nécessaire ». Selon elle, la nouvelle directive marque « une orientation claire vers une Europe plus sociale » en même temps qu’elle permet « une concurrence plus saine entre les entreprises ». C’est un succès pour Emmanuel Macron, un an avant les élections européennes, même s’il n’a pas gagné sur tous les points. C’est aussi la preuve que l’Union européenne est encore capable de s’entendre sur des dossiers chauds. Le président du groupe conservateur au Parlement européen, l’Allemand Manfred Weber, a jugé « crucial pour l’avenir de l’Europe » que l’Union ne se divise pas entre l’Est et l’Ouest.