Donald Trump, l’anti-diplomate

Le président américain Donald Trump a terminé son voyage de neuf jours au Moyen-Orient et en Europe – le premier à l’étranger depuis son investiture – au sommet du G7 à Taormine en Sicile, le 26 et 27 mai. Après un mini-sommet de l’OTAN à Bruxelles, cette réunion créée à l‘origine par les sept pays les plus industrialisés du monde a mis en lumière les divergences entre les deux rives de l’Atlantique depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Sur des sujets aussi importants que la sécurité collective, la crise des réfugiés ou le climat, de profondes divergences sont apparues. « Le temps n’est plus tout à fait où l’on pouvait s’en remettre à d’autres », a déclaré la chancelière Angela Merkel. Le président américain a bousculé ses alliés… et les conventions diplomatiques.

Dessin norvégien tiré du livre "Détrumpez-vous !" (Gallimard)
Gallimard

Le plus diplomate a été le nouveau venu dans l’aréopage du G7. Emmanuel Macron qui faisait ses premiers pas sur la scène internationale après son élection à la présidence de la République, le 7 mai, a tenu des propos apaisants à l’issue de la réunion. S’il a constaté des « accords profonds entre six des participants » — sous-entendu, le septième n’était pas d’accord, il a souligné « la volonté de Donald Trump de progresser avec nous » (sur le climat). Il a jugé comme un « progrès » que le président américain n’ait pas encore dit non à l’accord de Paris sur la lutte contre le changement climatique.

Ne pas le braquer

Ce ton tranchait singulièrement avec l’appréciation d’Angela Merkel. Sur ce sujet, la discussion « n’a pas été satisfaisante », a-t-elle dit. Sans doute un partage des rôles entre le président et la chancelière qui ont manifesté une certaine complicité au cours de ces rencontres.
Angela Merkel fait connaitre le mécontentement des Européens, Emmanuel Macron laisse à Donald Trump la possibilité de changer d’avis tout en se présentant en vainqueur. Ses interlocuteurs étrangers avaient été avertis : il ne faut pas braquer celui qui se comporte souvent comme un enfant gâté. Le risque, c’est que Donald Trump maintienne son opposition à l’accord de Paris et que l’optimisme d’Emmanuel Macron apparaisse comme de la naïveté.

Pas de gagnant-gagnant

Car à Washington l’heure n’est plus au multilatéralisme, à ses conventions, ses compromis. Le slogan électoral du candidat républicain qui a conquis la Maison blanche doit être pris au pied de la lettre. « America first », ça veut dire que tout doit être subordonné aux intérêts à court terme des Etats-Unis, sans les concessions réciproques qui assurent un équilibre à moyen terme.
Pour Donald Trump, il n’y a pas d’accord gagnant-gagnant, mais seulement des vainqueurs et des vaincus. L’exact contraire de la diplomatie, dans ses aspirations sinon dans ses réalisations. Dans sa conception d’homme d’affaires, la négociation n’a pas pour but de satisfaire des intérêts contradictoires mais de permettre au plus fort d’imposer un accord.
Quand il veut quelque chose, il sait pourtant faire les gestes qui séduiront ses interlocuteurs. Sa visite en Arabie saoudite en est la preuve. C’était un voyage de réconciliation après le froid tombé sur les relations avec le royaume wahhabite sous la présidence Obama. Donald Trump n’a pas lésiné sur les moyens et a été « récompensé » par 300 milliards de promesses de contrats, dont plus de 100 milliards pour des commandes d’armements. Les experts doutent que l’Arabie saoudite, avec un déficit budgétaire qui atteint 20% du PIB à cause de la baisse des prix du pétrole, honore jamais ses engagements. Peu importe, c’est l’affichage qui compte.

L’Iran, une cible privilégiée

Ses diatribes contre l’Iran ont satisfait ses hôtes. Il n’a pas eu à se forcer, lui qui dénonce depuis la campagne électorale l’accord sur le programme nucléaire de Téhéran passé par son prédécesseur et par les membres permanents du Conseil de sécurité. Même si l’Iran, qui envoie ses milices et soutient des groupes chiites dans toute la région n’est pas au-dessus de tout soupçon, l’accuser d’être la source du terrorisme, comme l’a fait Donald Trump, ne témoigne pas d’une grande finesse diplomatique.
Pour les vieux alliés européens des Etats-Unis, le président américain a eu moins d’égards que pour les Saoudiens. Certes, comme l’a dit un responsable italien après le sommet du G7, « ça aurait pu être pire ». Donald Trump n’a pas redit que l’OTAN était « obsolète ». Ses velléités protectionnistes ne l’ont pas poussé jusqu’à dénoncer l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Il a accepté de rencontrer les dirigeants de l’Union européenne dont il avait souhaité la disparition.

Des arriérés

Toutefois il n’a pas fait le geste que les Européens attendaient de lui, endosser publiquement l’article 5 du traité de l’Atlantique nord. Cet article qui définit une attaque contre un des membres de l’Alliance comme une attaque contre toutes les parties est considéré par les alliés européens des Etats-Unis, en particulier par les pays de l’Europe de l’Est, comme une assurance-vie face à la menace russe. En revanche Donald Trump a profité de l’inauguration du nouveau siège de l’OTAN dans la banlieue de Bruxelles pour tancer les Européens qui ne dépensent pas assez pour leur défense et se reposent sur le contribuable américain. Et pour leur demander des "arriérés".
A propos des échanges commerciaux, il a déclaré que l’Allemagne était « bad, very bad » à cause de ses excédents. La traduction de l’adjectif a été controversée, oscillant entre « méchante » et « mauvaise », tout ça pour dire que ce n’était pas bien de la part des Allemands de vendre trop de voitures outre-Atlantique. Angela Merkel avait déjà entendu ce discours lors de sa visite à Washington. Elle avait expliqué que les deux constructeurs allemands, BMW et Mercedes, produisaient plus de véhicules dans leurs usines américaines qu’en Allemagne mais elle n’a visiblement pas convaincu son interlocuteur. D’autre part, Donald Trump ignore, ou feint d’ignorer, que la politique commerciale est du ressort de l’Union européenne, pas de ses Etats membres.

Deux lignes sur l’immigration

Sans compter ses manières brusques dont a fait les frais le malheureux Premier ministre du Monténégro qui venait juste de rejoindre l’OTAN, le président américain a contrevenu à une autre habitude diplomatique : il a refusé de satisfaire une demande du pays hôte du G7. L’Italie, qui est aux premières loges pour l’arrivée des migrants venus de Libye aurait souhaité une déclaration solennelle sur la politique migratoire. La délégation américaine s’y est opposée. Le président du Conseil italien, Paulo Gentiloni, a dû se contenter de deux lignes dans le communiqué final.
Avec ce premier voyage à l’étranger — Donald Trump sera de nouveau en Europe au début de juillet à l‘occasion du G20 de Hambourg —, ceux qui se demandaient si le président dépouillerait les habits du candidat ont la réponse. Le magnat de l’immobilier, l’amateur de reality shows n’a pas changé en entrant à la Maison blanche. Il casse les codes et piétine les conventions. Par nature et pour plaire à son électorat. Les difficultés qui l’assaillent en politique intérieure le poussent par ailleurs à se montrer iconoclaste à l’extérieur.