Emmanuel Macron veut « une Europe qui protège »

Le président français a participé à Bruxelles à son premier Conseil européen, consacré notamment à la lutte contre le terrorisme et à la défense de l’Europe. Avant cette rencontre, il avait donné un long entretien à huit quotidiens européens, dont Le Figaro, dans lequel il avait défini son projet pour l’Europe. A ses yeux, la priorité est de construire une Europe qui protège, dans le domaine de la sécurité comme dans le domaine économique et social. Pour lui, l’essentiel est de protéger les valeurs européennes, ce « bien commun » qui unit le respect des libertés individuelles, la défense de la justice sociale, le souci de l’environnement et du climat. Tel est, selon lui, l’enjeu principal de la relance de l’Union européenne.

Marcheur
penséedudiscours.hypothèses.org

Vers l’Europe compliquée Emmanuel Macron avance avec des idées simples, comme naguère De Gaulle volait vers « l’Orient compliqué ». Ces idées, le président français les a présentées aux représentants de huit journaux européens, dont Le Figaro pour la France, à la veille de son premier sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne. Il l’a fait avec l’apparente sérénité qui l’habite depuis son entrée à l’Elysée et qu’il semble conserver, selon ses interlocuteurs, au milieu des tumultes du remaniement et des tempêtes des « affaires ».

La crise des démocraties occidentales

Son ambition pour l’Europe est assumée. Elle se résume en une formule : « La clé pour repartir, c’est une Europe qui protège ». Le mot est répété plusieurs fois et décliné de plusieurs manières, comme s’il définissait l’objectif numéro un du président français. Sa vision a au moins le mérite d’être claire, même si les moyens de la mettre en œuvre restent à préciser. Elle repose sur une analyse cohérente et forte de la « crise des démocraties occidentales ». Elle donne l’impression à ceux qui l’écoutent ou le lisent que l’Europe peut enfin s’en sortir et retrouver la « dynamique » qu’elle a perdue.

Que signifie pour Emmanuel Macron la protection de l’Europe ? Il ne s’agit pas de plaider pour un retour au protectionnisme économique, malgré les appels du président français à une surveillance des investissements étrangers et à une réciprocité dans l’accès aux marchés publics. Non, son ambition est de défendre « le bien commun » des Européens, c’est-à-dire « la liberté et la démocratie, la capacité des individus et de nos sociétés à être autonomes, à rester libres, à assurer la justice sociale et à préserver notre planète à travers le climat ».

La question est la suivante, dit-il encore : « L’Europe va-t-elle réussir à défendre ses valeurs profondes, dont elle a irrigué le monde pendant des décennies, ou va-t-elle s’effacer devant la montée des démocraties illibérales et des régimes autoritaires » ? La protection du modèle européen passe ainsi par la mise en place d’une « vraie politique de défense et de sécurité commune », qui est l’un des sujets dont ont débattu à Bruxelles les chefs d’Etat et de gouvernement. Elle exige aussi une réforme profonde du « système de protection de nos frontières » face aux grandes migrations et face au terrorisme.

Les dérèglements de la mondialisation

L’impératif de protection concerne tous les Européens. L’Allemagne elle-même, explique le président français, « a besoin de la France pour se protéger, pour protéger l’Europe et assurer notre protection commune ». Emmanuel Macron veut « une Europe qui protège contre les dérèglements de la mondialisation » car « l’objectif d’une Europe qui protège doit aussi s’imposer dans le domaine économique et social ». Cela suppose notamment une révision de la directive sur les travailleurs détachés, un système « qui ne marche pas droit » en favorisant une Europe « ultralibérale et déséquilibrée » dont se nourrissent les extrêmes. Au cours de la conférence de presse qu’il a tenue à Bruxelles, jeudi 22 juin, le président de la République a redit avec force sa volonté d’aller vers une Europe qui protège davantage ses citoyens dans tous les domaines de leur vie. Il a salué la récente initiative de Jean-Claude Juncker, président de la Commission, pour un Fonds européen de défense.

« Je ne transigerai pas sur les principes de l’Europe, sur la solidarité et les valeurs démocratiques », affirme encore, dans son entretien aux huit journaux européens, le chef de l’Etat, qui considère le Vieux Continent comme « le seul endroit au monde où les libertés individuelles, l’esprit de démocratie et la justice sociale se sont mariés à ce point ». C’est cela qu’il faut défendre. « La crise de l’imaginaire occidental est un défi immense », conclut Emmanuel Macron, qui entend mener un « combat de civilisation » en transformant les peurs en énergie, en retrouvant ce qu’il appelle « l’énergie du peuple européen ».

Un vent nouveau

Si le quotidien britannique The Guardian retient surtout de l’entretien auquel il était convié la déclaration d’Emmanuel Macron sur le Brexit, prônant le pragmatisme et le maintien d’une solide coopération avec la Grande-Bretagne après la rupture, le quotidien espagnol El Pais met en exergue cette phrase d’Emmanuel Macron, qu’il choisit comme titre de l’entretien : « Mon élection est le début d’une renaissance française et, je l’espère, européenne ». Le quotidien suisse Le Temps insiste, pour sa part, sur cette autre affirmation du président français, en réponse à « certains dirigeants européens » qui, selon lui, abandonnent les principes européens en dépensant cyniquement ses crédits sans respecter ses valeurs : « L’Europe n’est pas un supermarché. L’Europe est un destin commun ».

Quant à notre consoeur Joëlle Meskens, qui représentait le quotidien belge Le Soir, elle rend hommage au président français, qui n’est, dit-elle, ni « le président de l’anecdote » qu’avait finir par devenir François Hollande en commentateur de sa propre action ni « cet hyperprésident débordant d’énergie tempétueuse parfois incontrôlée » qu’était Nicolas Sarkozy. « Dans un monde sclérosé et pétri d’inquiétudes, Emmanuel Macron fait souffler un vent nouveau », estime-t-elle, avant d’ajouter qu’on peut juger « mégalo » le pari du président français mais qu’il est surtout « bluffant ».