En Slovénie, la droite nationaliste aux portes du pouvoir

L’ancien premier ministre slovène Janez Jansa, dont le parti a gagné les élections législatives, le 3 juin, avec 25% des suffrages, va tenter de former le nouveau gouvernement. Il n’est pas assuré de rassembler une majorité suffisante pour obtenir la confiance du Parlement. Janez Jansa a mené une campagne axée sur le rejet de l’immigration et la défense de l’identité slovène. Il a reçu le concours du premier ministre hongrois Viktor Orban. Ses adversaires refusent de former une coalition avec lui. Ils dénoncent son populisme et sa xénophobie.

Miro Cerar, premier ministre sortant, et Janez Jansa chargé de former le nouveau gouvernement slovène
Nebojša Tejić / STA et EPP Summit, Brussels, March 2017 dans Wikipedia

Au plus fort de la crise des réfugiés, avant que l’accord avec la Turquie, en 2016, ne tarisse le flux des migrants venus de Grèce, la Slovénie a vu affluer des dizaines de milliers de candidats à l’exil pour qui la route des Balkans était le meilleur moyen de gagner l’Autriche puis l’Allemagne. Dans ce petit pays de deux millions d’habitants, entré dans l’Union européenne en 2004, comme dans le reste de la région, la question migratoire est ainsi devenue l’un des enjeux majeurs du débat politique.

Il n’est donc pas surprenant que le parti de la droite nationaliste, au terme d’une campagne aux accents populistes et xénophobes, soit sorti victorieux, dimanche 3 juin, des élections législatives et que son chef, l’ancien premier ministre Janez Jansa, soit chargé par le président de la République, Borut Pahor, dès l’ouverture de la prochaine session du Parlement, la semaine prochaine, de former le nouveau gouvernement.

Défense de l’identité slovène

A 59 ans, Janez Jansa est déjà un vétéran de la politique slovène. Opposant sous le régime communiste, il a joué un rôle-clé au moment de la transition puisqu’il était ministre de la défense pendant la brève guerre d’indépendance qui a opposé la nouvelle République à l’armée yougoslave en 1991. Il a occupé ce poste de 1990 à 1994 avant de devenir premier ministre dix ans plus tard, une première fois de 2004 à 2008, une seconde fois de 2012 à 2013. Le personnage est donc familier aux électeurs slovènes, qui ont adhéré à sa dénonciation de « l’invasion » migratoire et à sa défense de l’identité slovène.

Le premier ministre sortant, Miro Cerar, à la tête du Parti du centre moderne (centre gauche), qui plaidait pour « une Slovénie ouverte et libre », a été sévèrement battu. Chef du gouvernement depuis 2014, il s’était démis de ses fonctions, en mars 2018, après l’annulation par la Cour constitutionnelle d’un référendum approuvant un projet de voie ferrée qu’il jugeait « d’une importance stratégique pour le développement de la Slovénie ». Il lui était reproché d’avoir manqué à son devoir de neutralité en finançant la campagne avec des fonds publics.

Le soutien de Viktor Orban

Le gouvernement de Miro Cerar peut se vanter d’avoir redressé l’économie. La croissance est vigoureuse (autour de 3%), le chômage en recul (8,5%), les investissements en hausse. Mais la politique libérale et européenne du premier ministre sortant (la Slovénie fait partie de la zone euro depuis 2007) a suscité des mécontentements qui se sont traduits des revendications sociales et des mouvements de grève. Janez Jansa a tiré profit de ces difficultés. Avec le soutien actif du premier ministre hongrois Viktor Orban, qui l’a présenté comme le « garant de la survie du peuple slovène », il a fait oublier son échec de 2013, quand il fut l’objet d’une motion de défiance au Parlement puis d’une condamnation pour corruption, annulée par la Cour constitutionnelle en 2015.

Toutefois Janez Jansa n’est pas assuré de pouvoir obtenir une majorité dans un Parlement divisé en multiples chapelles. Avec 25% des voix et 25 sièges (sur 90), il aura besoin d’alliés pour former une coalition capable de diriger le pays. Or les partis qui ont recueilli le plus de voix après le sien ne sont pas décidés, pour le moment, à gouverner avec lui. Arrivé en seconde position avec 12,65% des voix et 13 sièges, le parti de l’ancien acteur et journaliste Marjan Sarec, maire de Kamnik, une petite ville du nord du pays, pourrait être tenté de rassembler sur le nom de son chef les autres groupes de centre gauche tels que les sociaux-démocrates de Dejan Zidan (9,92% des voix, 10 sièges) et la formation de Miro Cerar (9,75% des voix, 10 sièges).

Candidat à l’élection présidentielle de 2017, où il fut battu au second tour par Borut Pahor avec 46,91% des suffrages, Marjan Sarec, 40 ans, est devenu une figure importante de la vie politique slovène. Il a accusé Janez Jansa d’avoir « franchi la ligne rouge » en répandant « la peur des migrants » et en faisant intervenir dans la campagne le premier ministre hongrois. Il peut apparaître aujourd’hui comme le chef de file des libéraux, une coalition face à la droite nationaliste incarnée par Janez Jansa.

En Slovénie comme dans d’autres pays d’Europe, des forces populistes se sont emparés du thème des migrants pour stigmatiser la faiblesse des élites mondialisées qui renoncent à défendre les identités menacées. Janez Jansa a choisi avec succès d’exploiter ce filon. Il a durci son discours par rapport à l’époque où il occupait la fonction de premier ministre. Son retour au pouvoir consacrerait donc une nouvelle victoire du nationalisme européen. Mais la bataille n’est pas encore gagnée. La vie politique slovène n’est jamais avare de rebondissements.