En Syrie, la politique du pire

Chaque mardi, le point de vue de la rédaction de Boulevard-Extérieur sur un sujet de politique internationale.

La défection du Premier ministre syrien qui venait d’être nommé en juin est la manifestation la plus récente et la plus flagrante de la décomposition du régime de Bachar el-Assad. Annonce-t-elle sa fin ? C’est une autre question à laquelle il serait imprudent de donner une réponse trop rapide. Le dictateur de Damas n’a pas encore épuisé tous ses moyens même si les signes se multiplient des difficultés qu’il éprouve à maintenir son pouvoir.

Les sanctions occidentales commencent à entamer les forces vives du clan dirigeant. Bachar el-Assad a envoyé des émissaires à Moscou pour demander une aide financière alors qu’il parait à court de carburant pour les organes de répression. Son armée est minée par les défections de plus en plus nombreuses et elle a du mal à s’adapter à une mission de contreguérilla urbaine alors qu’elle a été formée pour affronter un ennemi extérieur au cours de batailles rangées. Les insurgés qui reçoivent de l’argent et des armes du Qatar et de l’Arabie saoudite ne sont pas en mesure, à l’heure actuelle, de s’imposer mais bien que divisés, ils semblent assez forts pour ne pas être battus.

Les Occidentaux, Américains et Européens, sont confrontés au même dilemme que depuis le début des affrontements. Un an et demi et 20 000 victimes plus tard, ils ne veulent pas intervenir directement tout en appelant au départ de Bachar el-Assad. Fournir des renseignements et une aide indirecte, comme Washington, ou mettre l’accent sur l’humanitaire, comme le fait la France, ne suffira pas à donner le coup de grâce au président syrien.

Avec une Russie butée dans son refus d’une action commune avec les Occidentaux, et une Chine, paralysée par la querelle de succession au sommet, qui la suit, il ne faut pas s’attendre à une percée diplomatique qui changerait l’équation. Aussi la poursuite des massacres est-elle l’hypothèse la plus probable, comme si par choix ou par impuissance, tout le monde avait accepté la politique du pire.

Ce qui se joue en ce moment en Syrie, ce n’est pas seulement la nature du pouvoir à Damas. Plus les affrontements se poursuivent et plus une transition qui aurait pu déboucher sur une tentative de démocratisation parait illusoire. C’est le sort du pays tout entier, de son intégrité, de l’avenir de ses minorités ethniques et religieuses, de sa place dans la région et de ses relations avec ses voisins libanais ou israéliens.

Conscients de l’enjeu, les Américains travaillent sur l’après-Bachar. Ce n’est pas inutile si l’on veut éviter un scénario à l’irakienne, après la chute de Saddam Hussein. Mais c’est aussi largement illusoire dans la mesure où personne ne maitrise la situation. Sans parler des influences diverses et contradictoires qui s’exercent sur les différents groupes de l’opposition, interne ou externe. Finalement, Vladimir Poutine, qui dit craindre une victoire des islamistes en Syrie en cas de chute du clan el-Assad, aura peut-être raison. Par sa politique de confrontation avec l’Occident, il aura grandement contribué à cette issue.