Il était l’héritier politique que Nelson Mandela s’était désigné. Élu le 15 février dernier après avoir pris la tête du Congrès national africain (ANC), Cyril Ramaphosa aura dû attendre vingt ans pour présider aux destinées de son pays. D’ici aux élections législatives de mai 2019, le nouveau numéro un sud-africain va cependant devoir mener une véritable course contre la montre.
S’il veut se maintenir au pouvoir, l’ancien syndicaliste, devenu l’une des plus importantes fortunes du pays, est confronté à deux défis.
Le premier est d’en finir avec la corruption qui a caractérisé l’ère désastreuse de son prédécesseur, Jacob Zuma. Malgré des appareils policier et judiciaire sérieusement contaminés, il devra « nettoyer » le parti et l’administration, tout en respectant l’État de droit. Tâche d’autant plus ardue que certains de ceux qui l’ont soutenu face à Jacob Zuma ne sont pas toujours les moins corrompus.
Le deuxième défi est tout à la fois d’empêcher, d’un côté, que les électeurs, dépités par l’ANC, ne le quittent pour se tourner en nombre vers l’Alliance démocratique (DA), parti centriste, multiracial et principale opposition à l’ANC ; et d’attirer, de l’autre côté, et à l’inverse du spectre politique, les Combattants pour la liberté économique (EFF), révolutionnaires socialistes, dans la branche jeunesse de l’ANC.
Militant anti-apartheid de l’« intérieur » dans les années 80, pilier des négociations de transition dans les années 1990, Ramaphosa a longtemps été perçu politiquement moins légitime que ceux de « l’extérieur » revenus de Zambie où l’ANC, alors interdite, était en exil. Mais il bénéficie désormais de l’essor – et du soutien – de l’importante classe moyenne sud-africaine, qui représente un habitant sur cinq, d’autant que l’image des anciens exilés de l’ANC a été sérieusement ternie.
Une vengeance post-mortem pour Nelson Mandela, qui avait dû plier en son temps devant les « Zambiens » et renoncé à faire de Cyril Ramaphosa son successeur.