Le Mali ne parvient pas à sortir de la crise

Depuis l’intervention française de 2013, le Mali et, plus largement, la région du Sahel ne parviennent pas à sortir de la crise sécuritaire et politique. Une partie de la population est favorable à l’intervention française, mais une autre partie préfère encore la domination des milices à celle de l’Etat. Avec la fin de l’opération Barkhane et le retrait français, la région est à un tournant. Le pays est plus instable que jamais. Nous publions ici l’article d’un jeune Libanais, inquiet pour l’avenir de ce pays mais conscient de la richesse de son histoire.

Mansa Moussa et les trésors de Tombouctou
Institut des Cultures d’Islam

L’un des empires les plus riches de l’histoire connaît aujourd’hui une grande instabilité politique, militaire, et sociale. Nous avons mal au cœur de voir que la ville de Tombouctou, qui regorge d’histoire et d’héritage, devient aujourd’hui le moyeu des groupes armés. L’ancien empire de Mansa Moussa est une terre ravagée par les conflits, entre groupes armés terroristes « islamistes », et armées locales et étrangères.

Une guerre contre le « terrorisme islamiste »

Les interventions militaires françaises commencent en 2013 sur l’ordre du président François Hollande et du ministre de la défense Jean-Yves Le Drian. Elles ont pour but principal d’harceler les groupes terroristes qui sont en majorité concentrés au nord du pays, notamment dans les villes de Gao, Kidal, et dans la ville historique de Tombouctou. Elles doivent aussi éviter que ces groupes armés n’avancent davantage vers le centre du pays et vers la capitale, Bamako. Au nord du pays se retrouvent alors plusieurs groupes tel que l’Ansar Dine (les Défenseurs de l’Islam ou AAD), le Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest), et l’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique). Ces groupes-là ont pour objectif d’établir un État islamique au Mali, régi par la charia. Ils sont plus concurrents que partenaires. Cependant, les opérations de l’armée française tuent le chef de l’Aqmi, Abdelmalek Droukdel, dans le nord du pays, le 3 juin 2020. Cet « émir » était une grande figure de l’islamisme armé en Algérie, au Mali, et dans l’entièreté de la région. Il était également assez proche de son mentor, le fameux Osama Bin Laden.

Des succès mitigés

Ces interventions françaises et africaines (intervention également des armées malienne, nigériane, nigérienne, burkinabè, togolaise, et sénégalaise aux côtés des rangs français) réussissent au même titre à détruire des dépôts logistiques et plusieurs bases de ces groupes armés. L’intervention de ces pays africains est justifiée par le fait que la plupart d’entre eux font partie du G5 Sahel, et qu’ils ont peur que le terrorisme n’arrive – ou n’augmente pour certains – chez eux.
Toutefois, la population malienne est divisée. Nous retrouvons une partie favorable à l’intervention française, parce qu’elle en a assez des actes de violence infligés par ces groupes à la population. Une autre partie préfère être sous le pouvoir des groupes terroristes qu’être sous le pouvoir de l’État. Elle préfère la domination des milices notamment pour des raisons financières, vu que les impôts de l’État sont beaucoup plus élevés. De plus, les populations locales subissent régulièrement des exactions de la part des « djihadistes » mais aussi de l’armée malienne. Il y a de nombreuses tensions intercommunautaires et la FIDH1 [1] parle de « crimes de guerre ».

Le retrait français

L’intervention militaire française ne pouvait pas durer éternellement. La France décide effectivement de mettre fin à l’opération Barkhane – qui commença en 2014 en remplacement de l’opération Serval – en juillet 2021. La moitié de l’armée française présente au Mali a déjà quitté le pays ; l’autre est toujours sur place. Ces 2500 soldats doivent se repositionner au sein de la « task force » européenne et œuvrer à la formation des troupes africaines. La décision du retrait français a été prise parce que cette intervention est bien trop coûteuse, non seulement sur le plan financier mais également sur le plan militaire. Le bilan des décès compte plus d’une cinquantaine de soldats français ; il y a aussi de nombreuses pertes matérielles. De plus, cette intervention risquait de s’éterniser vu que le terrorisme ne peut tout simplement pas être anéanti.
Suite à l’annonce de la fin de l’opération, le Premier ministre malien prononce un discours dans lequel il déplore la décision unilatérale de la France qui est vécue comme un abandon. Le Mali fait toujours face à ces groupes terroristes mais aussi à une instabilité politico-militaire. Effectivement, le pays traverse une période critique due au terrorisme présent, mais également au coup d’Etat de 2020, perpétré par les forces armées maliennes. Le président malien Ibrahim Boubacar Keita et le premier ministre Boubou Cissé sont destitués. De nouvelles élections législatives et présidentielles sont prévues pour 2022.

Depuis le départ de la moitié des troupes françaises, le pays est plus instable que jamais. La junte malienne qui vient de prendre le pouvoir ne semble pas en mesure de rétablir l’ordre et ne bénéficie pas de la confiance des États voisins. Dans ce contexte, les groupes armés terroristes pourront-ils exaucer leur vœu de transformer le Mali en un État islamique régi par la charia ? Serons-nous face à un scénario similaire à celui de l’Afghanistan ?

[1Fédération Internationale des Droits de l’Homme