L’Algérie dans l’impasse

L’absence prolongée du président Tebboune, hospitalisé en Allemagne pour cause de Covid, rappelle les heures les plus sombres de l’ère Bouteflika, quand l’ancien président, affaibli par la maladie, était dans l’incapacité d’exercer ses fonctions. Un an après l’élection d’Abdelmadjid Tebboune à la tête de l’Etat, le régime est dans l’impasse. La nouvelle Constitution, adoptée par référendum avec un faible taux de participation, ne désarme pas les opposants, qui réclament une véritable démocratisation des institutions. Certains d’entre eux appellent à l’ouverture du dialogue.

Zoubida Assoul, présidente de l’Union pour le changement et le progrès
liberte-algerie.com

A peine délivrés d’un monarque malade et vieillissant, qui occupait la présidence depuis vingt ans, les Algériens se demandent s’ils ne l’ont pas remplacé par un chef tout aussi fatigué et tout aussi impuissant à changer le pays. Elu il y a un an par une minorité d’électeurs en raison d’un taux élevé d’abstention, le nouveau président, Abdelmadjid Tebboune, âgé de 75 ans, touché par le Covid, est hospitalisé depuis près de deux mois en Allemagne, à l’image de son prédécesseur, Abdelaziz Bouteflika, fortement diminué par un AVC en 2013, qui avait habitué les Algériens à ses absences répétées pour raisons de santé. L’indisponibilité temporaire du chef de l’Etat a pour conséquence un immobilisme politique qui rappelle de mauvais souvenirs à ceux qui réclament une profonde réforme du système.

Pour tenter de rassurer ceux qui s’inquiètent d’une nouvelle vacance du pouvoir à Alger, Abdelmadjid Tebboune est apparu à la télévision, dimanche 13 décembre. Il a annoncé son retour « dans les plus brefs délais » au terme de sa convalescence. « Cela va prendre encore deux ou trois semaines pour que je reprenne mes forces physiques », a-t-il précisé. Il n’est pas sûr que cette brève déclaration suffise à donner aux Algériens le sentiment que les promesses de changement seront tenues. En attendant que le président soit en état d’exercer ses fonctions, la situation se dégrade dans le pays, où le mouvement de protestation né en février 2019, le Hirak, interrompu par la pandémie, n’a pas renoncé à se faire entendre. Face au blocage institutionnel, certains parlent d’une « impression de déjà-vu », d’une « répétition de l’ère Bouteflika ».

Un référendum contesté

Avant qu’il ne soit hospitalisé, la principale initiative d’Abdelmadjid Tebboune a été l’organisation d’un référendum sur une nouvelle Constitution censée préparer la naissance d’une « Algérie nouvelle ». Le texte est approuvé le 1er novembre mais le faible taux de participation (23,7%) lui ôte toute signification politique ou plutôt il acte l’échec de l’opération. Le Monde souligne, au lendemain du vote, « la victoire silencieuse du Hirak ». Les opposants les plus résolus, qui appelaient au boycottage du scrutin, estimaient que la nouvelle loi fondamentale, loin de répondre à leurs aspirations démocratiques, renforçait la concentration des pouvoirs entre les mains du président de la République et surtout qu’elle ne mettait pas fin à la toute-puissance de l’armée sur les institutions.

Encore accrue par l’absence du chef de l’Etat, l’impasse semble totale entre les forces en présence. La première année de la présidence Tebboune est ainsi marquée par la persistance d’une grave crise politique, à laquelle s’ajoutent l’approfondissement de la crise économique, faute d’un programme qui donnerait confiance aux investisseurs pour réduire la dépendance du pays aux hydrocarbures, et le durcissement de la répression, qui bafoue l’Etat de droit en jetant en prison des dizaines de personnes pour délit d’opinion. « On ne peut pas construire un Etat sans son peuple », affirme l’avocate Zoubida Assoul, présidente d’un des partis de l’opposition, l’Union pour le changement et le progrès, citée par Le Monde. Même si les manifestations ont été suspendues, la colère ne faiblit pas.

Reprendre le dialogue ?

Est-il possible de sortir de l’impasse en relançant des négociations sur l’avenir du pays et en permettant, au prix de concessions mutuelles, la formation d’un compromis ? De part et d’autre, une partie des acteurs y semble prête. Un rapprochement entre le pouvoir et son opposition supposerait notamment la libération des détenus, la transparence des élections, le respect de la liberté d’expression. Zoubida Assoul pense que, face au blocage actuel, l’occasion d’une reprise du dialogue pourrait être saisie. « C’est une opportunité, dit-elle, même si la situation est complexe ». Beaucoup dépendra de l’état de santé du président Tebboune lorsqu’il reviendra au pays. L’attitude de l’armée sera, bien sûr, déterminante. Il faut espérer que l’Algérie choisira de rompre définitivement avec le système Bouteflika.