L’avenir incertain de l’accord entre la Grèce et la Macédoine

L’accord entre la Grèce et la Macédoine par lequel celle-ci accepte de prendre le nom de Macédoine du Nord a été approuvé par référendum le 30 septembre par plus de 91% des votants, ouvrant la voie à l’adhésion future du pays à l’Union européenne et à l’OTAN. Toutefois la faible participation, à peine supérieure à 36%, saluée comme une victoire par les opposants à l’accord, rend incertain le vote à venir des Parlements de Skopje et d’Athènes, soumis à la pression des partis identitaires.

Alexandre le Grand dans la bataille contre les Perses, fresque de Pompéi
Musée archéologique national de Naples

Les Etats issus de l’ex-Yougoslavie n’en finissent pas de subir les effets des crispations identitaires qui ont accompagné la dislocation du pays. Ils frappent à la porte de l’Union européenne mais leurs perspectives d’adhésion demeurent lointaines. Seules la Slovénie en 2004 et la Croatie en 2007 ont obtenu leur ticket d’entrée. Les autres sont dans l’attente. Ils aspirent également à rejoindre l’OTAN mais, à l’exception de la Slovénie, admise en 2004, et de la Croatie, admise en 2009, mais aussi du Monténégro, entré en 2017, ils sont encore tenus à l’écart de l’organisation atlantique. La petite Macédoine, avec ses deux millions d’habitants, fait partie des Etats de l’ex-Yougoslavie qui aspirent à entrer à la fois dans l’UE et dans l’OTAN. Bruxelles lui a reconnu le statut de pays candidat en 2005. Mais les négociations n’ont pas encore commencé, malgré l’accord donné par la Commission et par le Parlement en 2013.

Un compromis raisonnable

Pourquoi ce retard ? Parce que la Grèce oppose son veto à l’ouverture des discussions en raison du nom adopté par le pays lorsqu’il a proclamé son indépendance en 1991. Athènes refuse que le nom de Macédoine, qui était celui de l’ancienne république yougoslave, soit utilisé par le nouvel Etat. Pour la Grèce, ce nom doit être réservé à la Macédoine grecque, c’est-à-dire à sa province septentrionale, qu’elle considère comme la seule héritière de la Macédoine historique, celle de Philippe II et d’Alexandre III, dit Alexandre le Grand. Elle dénonce la captation d’héritage que pratiquerait la Macédoine slave en s’appropriant indûment ce nom. Du fait de ce contentieux, la communauté internationale (l’ONU, l’UE) appelle celle-ci l’Ancienne république yougoslave de Macédoine (ARYM) en attendant que le conflit soit tranché.

Après vingt-sept ans d’hostilités, qui ont bloqué toute possibilité d’entente, un accord historique a été conclu le 17 juin, sur les bords du lac frontalier de Prespa, entre le premier ministre social-démocrate de Macédoine, Zoran Zaiev, et son homologue grec, Alexis Tsipras. La Grèce accepte que le mot de Macédoine continue de figurer dans l’appellation du pays, mais la Macédoine consent à prendre le nom de Macédoine du Nord. Les deux gouvernements ont fait un pas l’un vers l’autre pour parvenir à un compromis raisonnable. Reste à convaincre les deux Parlements de Skopje, capitale de la Macédoine, et d’Athènes. Première étape : l’organisation, dimanche 30 septembre, d’un référendum consultatif auprès de la population macédonienne. Celle-ci était appelée à répondre à la question suivante : « Etes-vous favorable à une adhésion à l’OTAN et à l’UE en acceptant l’accord passé entre la République de Macédoine et la République de Grèce ? ».

Enjeu identitaire

La réponse a été largement positive, puisque plus de 91% des votants ont dit oui. Mais la participation a été faible, à peine supérieure à 26%, l’opposition ayant plus ou moins ouvertement appelé à boycotter le scrutin. Le référendum n’étant que consultatif, le seuil de 50% habituellement requis n’était pas nécessaire pour valider la consultation. Mais le résultat est d’autant plus décevant pour les signataires de l’accord qu’ils ne sont pas sûrs de pouvoir réunir une majorité qualifiée lors des votes parlementaires qui doivent suivre le référendum, à Skopje comme à Athènes.

En Macédoine comme en Grèce, la question du nom est en effet ressentie comme un enjeu identitaire assez fort pour provoquer éventuellement, malgré les efforts des négociateurs, le maintien du blocage qui paralyse, depuis vingt-sept ans, les relations entre les deux pays. Le premier ministre, Zoran Zaiev, a eu beau saluer « un succès pour la démocratie et pour la Macédoine européenne », le résultat du référendum fragilise l’accord gréco-macédonien et rend son avenir incertain.