L’échec de Theresa May complique la négociation sur le Brexit

En organisant des élections anticipées, la première ministre britannique espérait élargir sa majorité parlementaire pour aborder en position de force la négociation avec ses partenaires européens sur le Brexit. Elle se retrouve, au lendemain du scrutin, privée de la majorité absolue qu’elle détenait dans la Chambre sortante. De l’avis général, elle a mené une mauvaise campagne alors que son principal adversaire, le travailliste Jeremy Corbyn, a réussi, à la surprise de beaucoup, à redonner du souffle à l’opposition. Les pourparlers entre Londres et Bruxelles sur la sortie de l’UE s’annoncent plus difficiles qu’auparavant.

Détail de la couverture du Sun

Comme David Cameron il y a un an, Theresa May sort vaincue de la consultation populaire à laquelle elle avait appelé pour asseoir son pouvoir et renforcer sa légitimité. David Cameron, premier ministre et chef du Parti conservateur, avait joué le tout pour le tout en demandant aux électeurs, par référendum, s’ils voulaient, ou non, que le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne. Il a perdu et en a tiré les conséquences en quittant ses fonctions. Theresa May, qui lui a succédé, a choisi de convoquer des élections anticipées pour s’assurer qu’elle bénéficiait de la confiance de ses compatriotes, elle qui a été portée à la tête du gouvernement sans recevoir l’onction populaire, et pour se donner une majorité solide au Parlement.

Pari perdu. La première ministre n’a pas réussi à conserver la majorité absolue que détenaient, à quelques voix près, les conservateurs dans la précédente assemblée, encore moins à l’accroître. C’est un échec, même si son parti garde une majorité relative. Pour le moment, elle n’en tire pas les mêmes leçons que son prédécesseur, puisqu’elle se dit résolue à rester au pouvoir, soit à la tête d’un gouvernement minoritaire, soit à la tête d’une coalition, au nom de la « stabilité » dont le pays, dit-elle, a besoin. Mais sa situation est incertaine. Elle qui souhaitait, à l’approche des négociations sur le Brexit, se placer en position de force face à ses partenaires européens, est aujourd’hui fragilisée. Son autorité est ébranlée et son leadership fortement remis en question par le vote du peuple britannique.

Une mauvaise campagne

Les causes de ce revers inattendu sont multiples. Outre le fait que Theresa May avait promis, avant de se déjuger, de laisser le Parlement aller jusqu’à son terme normal de 2020 et que beaucoup considéraient comme injustifiée l’organisation d’élections anticipées, elle a surtout, de l’avis général, fait une mauvaise campagne, jugée parfois arrogante, notamment lorsqu’elle a refusé de débattre en tête-à-tête, à la télévision, avec son principal adversaire, le chef du Parti travailliste, Jeremy Corbyn, et souvent maladroite, en particulier quand elle a annoncé, avant d’y renoncer, une nouvelle taxe pour financer les soins des personnes âgées dépendantes. Il est également probable que les attentats de Manchester et de Londres l’ont desservi, elle qui, en tant que ministre de l’intérieur, avait réduit les effectifs de la police.

L’autre surprise du scrutin est le bon score du Parti travailliste, qui gagne une trentaine de sièges. On n’attendait pas de Jeremy Corbin qu’il parvienne à mobiliser un électorat, souvent jeune, qui s’était détourné de la gauche. Celui qu’on caricaturait volontiers comme un socialiste archaïque, vieux militant à l’ancienne au programme tourné vers le passé plus que vers l’avenir, a mené, à la différence de Theresa May, une excellente campagne, axée sur les questions sociales et plutôt discrète sur le Brexit, qui lui a conféré une crédibilité nouvelle. La dynamique créée par le chef du Parti travailliste, en donnant un nouveau souffle à l’opposition, ne va pas faciliter la tâche de Theresa May dans la négociation à venir sur le Brexit.

Une négociation plus difficile

Au lendemain de ce désaveu électoral, la première ministre va désormais engager les pourparlers avec Bruxelles sur les conditions de sortie de son pays de l’UE et sur la future relation que celui-ci entend nouer avec ses partenaires européens.
La négociation s’annonce plus difficile pour Londres après le vote du 8 juin. Theresa May espérait une large majorité pour accroître sa marge de manœuvre. Elle pensait qu’elle pourrait ainsi tenir tête à la fois aux plus europhobes de ses compatriotes, qui entendent rompre tout lien avec l’Union, et aux plus europhiles qui, sans remettre au cause le Brexit, ne veulent pas couper tous les ponts. Le résultat du scrutin n’annule pas celui du référendum de 2016 par lequel une majorité de Britanniques a exprimé sa volonté de quitter l’Union. Il ne s’agissait pas d’un « référendum bis », comme l’a souligné le commissaire européen Pierre Moscovici. Mais l’affaiblissement politique de la première ministre britannique va certainement compliquer ses relations avec Bruxelles.