Les électeurs bulgares ont choisi de rester fidèles au camp pro-européen en mettant en échec le Parti socialiste bulgare (PSB), considéré comme favorable à la Russie. Après le succès du candidat pro-russe, le général Roumen Radev, à l’élection présidentielle de novembre 2016, beaucoup redoutaient, en Europe, que le PSB, qui l’avait soutenu, ne sorte vainqueur des élections législatives, convoquées le 26 mars après la dissolution de l’Assemblée nationale, confirmant ainsi le basculement de la Bulgarie dans le camp pro-russe. Les sondages le plaçaient au coude à coude avec celui de l’ancien premier ministre Boïko Borissov, le Gerb (Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie), parti de centre droit dont le nom même souligne l’orientation pro-européenne. De l’avis de nombreux observateurs, la Russie menait campagne, plus ou moins ouvertement, pour le PSB.
Avec environ 33% des suffrages, c’est Boïko Borissov qui l’emporte et qui va retrouver son poste de premier ministre, auquel il a accédé pour la première fois en 2009. Cet ancien garde du corps du dictateur Todor Jivkov au temps du communisme, devenu secrétaire général de la police nationale puis député et maire de Sofia, est une figure incontournable de la vie politique bulgare. Il incarne aujourd’hui la résistance à la stratégie d’influence de Vladimir Poutine, auquel il ne ménage pas ses critiques. L’opposition entre pro-russes et pro-européens est désormais une des constantes du débat public dans la plupart des pays de l’ancien empire soviétique. Le résultat de l’élection bulgare intéresse d’autant plus les Européens que le pays vient de célébrer le dixième anniversaire de son entrée dans l’UE, le 1er janvier 2007, et qu’il exercera au premier semestre de 2018 la présidence tournante de l’Union.
Un coup d’arrêt
Il était important pour ses partenaires européens que la Bulgarie donne un coup d’arrêt aux visées de Vladimir Poutine. Le PSB, sous la conduite de Kornelia Ninova, n’avait pas caché, pendant la campagne, ses sympathies pour Moscou, annonçant en particulier qu’elle voterait contre le renouvellement des sanctions européennes contre la Russie si elle était portée à la tête du gouvernement. « Le PSB joue la carte russe, expliquait avant le scrutin un expert bulgare, cité par Le Monde. Il exploite le sentiment de nostalgie de l’époque communiste d’une partie de la population ». Ce sentiment semble assez puissant pour nourrir le mécontentement d’un grand nombre d’électeurs. Même s’il n’arrive qu’en deuxième position, le PSB progresse fortement : il obtient 28% des voix, doublant son score de 2014.
L’autre leçon du scrutin, qui pèsera sur la formation du nouveau gouvernement, est la bonne tenue de l’extrême-droite. Les trois partis nationalistes, réunis dans Les Patriotes unis, rassemblent environ 9% des suffrages. C’est moins que le score de leur candidat à l’élection présidentielle, qui était arrivé en troisième position avec 15% des voix mais c’est assez pour leur donner un rôle-clé dans la recomposition du paysage politique. Ils avaient déclaré avant le scrutin qu’ils étaient prêts à soutenir l’une ou l’autre des deux forces dominantes. Boïko Borissov devra sans doute compter avec eux — à moins que l’hypothèse d’une grande coalition entre les deux grands partis, écartée explicitement par leurs dirigeants, ne revienne à l’ordre du jour.