La réforme de la zone euro avance lentement

La réforme de la zone euro est à l’ordre du jour du sommet de Bruxelles. Elle est jugée nécessaire par de nombreux experts pour prévenir une nouvelle crise. Seul, disent-ils, un approfondissement de l’Union économique et monétaire peut mettre fin aux incertitudes et favoriser le retour de la croissance. La Commission européenne a présenté des propositions il y a quelques semaines. Les Etats membres ne sont pas d’accord sur les mesures à prendre. Des divergences demeurent ente Paris et Berlin.

Le président du conseil européen Donald Trusk
Reuters/ Yves Herman

Les chefs d’Etat et de gouvernement des pays de la zone euro devaient se rencontrer vendredi 23 mars à Bruxelles pour tenter de faire avancer une réforme de l’Union économique et monétaire (UEM). Emmanuel Macron est de ceux qui plaident avec le plus d’ardeur pour des changements significatifs, comme il l’a fait le 26 septembre 2017 dans son discours de la Sorbonne. Il n’a pu compter jusqu’ici, comme il le souhaitait, sur le concours d’Angela Merkel, occupée d’abord à faire campagne pour sa réélection puis à former son nouveau gouvernement. Mais le moment semble venu de débattre officiellement de la question, qui divise les Etats membres.

La réforme de la zone euro fait l’objet, depuis plusieurs années, de nombreux échanges. Des propositions ont été faites pour renforcer l’Union économique et monétaire et lui donner les moyens de faire face à de nouvelles menaces. « L’euro est toujours vulnérable et les incertitudes autour de l’UEM sont à la source de certaines des principales faiblesses économiques et sociales de l’Europe », écrivaient en 2016 des experts de l’Institut Jacques Delors et de la Fondation Bertelsmann, qui appelaient à « de nouvelles étapes dans l’approfondissement de l’Union économique et monétaire ».

Jacques Delors lui-même, dans sa préface à leur rapport, soulignait l’urgence d’une réforme. Il jugeait nécessaire de « tirer la leçon des succès et des échecs de l’Union économique et monétaire » et d’agir pour « rééquilibrer, réparer, consolider, protéger l’acquis de l’euro » en le mettant « au service de la croissance et de l’emploi ». Pour l’ancien président de la Commission européenne, l’objectif était de « retrouver dans les opinions un soutien fortement majoritaire en faveur de l’intégration européenne » - un soutien dont le Brexit et la montée des populismes en Europe ont montré l’affaiblissement.

Un plan d’action en trois volets

La Commission européenne s’est saisie du dossier. Jean-Claude Juncker a présenté, le 6 décembre, un plan d’action en trois volets, qu’il a soumis à la discussion des dix-neuf Etats de la zone euro. Le premier volet porte sur la création d’un Fonds monétaire européen, qui prendrait la suite du Mécanisme européen de stabilité (MES) mis en place en 2012 pour aider les Etats en difficulté. Le deuxième consiste à inclure dans le budget de l’Union « une ligne budgétaire pour la zone euro » afin de mobiliser des financements. Troisième volet : la nomination d’un ministre des finances de la zone euro, qui serait en même temps commissaire européen et président de l’Eurogroupe.

Ces deux derniers volets répondent aux demandes exprimées par Emmanuel Macron dans son discours de la Sorbonne. « Oui, disait-il, nous avons besoin d’un budget plus fort au cœur de l’Europe, au cœur de la zone euro ». Selon lui, ce budget devrait s’accompagner d’un « pilotage politique fort » assuré par un ministre commun. La création d’une « ligne budgétaire » donne donc en partie satisfaction au président français, même si elle est nettement en-deçà de ses ambitions. Il en va de même de la désignation d’un ministre européen, dont les compétences restent à définir. Quant à la transformation du MES en Fonds monétaire européen, premier volet du plan, elle était défendue par l’ancien ministre allemand des finances Wolfgang Schäuble.

La contre-offensive des Pays-Bas

Les partisans d’une réforme de la zone euro auront beaucoup de mal à convaincre leurs partenaires. Plusieurs pays du nord de l’Europe, à commencer par les Pays-Bas, qui ont pris la tête de la contre-offensive, ont fait connaître leurs réserves, voire leur opposition. Pour eux, la priorité est de respecter les règles communes, en particulier celles du pacte de stabilité. Le premier ministre néerlandais, Mark Rutte, se dit favorable, dans un entretien au Monde, à la création d’un Fonds monétaire européen « qui gérerait en dernier ressort les problèmes des pays en difficulté ». Il souhaite aussi l’achèvement de l’Union bancaire. En revanche, il ne veut ni d’un budget de la zone euro ni d’un ministre européen des finances. Sans parler d’un Parlement de la zone euro, que demande Emmanuel Macron.

Dans cet entretien, Mark Rutte se dit d’accord avec le président français « pour dire qu’il faut agir tant au niveau des Etats qu’au niveau européen ». Mais il précise aussitôt que « cela signifie respecter les critères de Maastricht, réformer, réduire les déficits, tenter de dégager des surplus budgétaires ». Les deux visions sont assez éloignées l’une de l’autre. Le dirigeant néerlandais a reçu le soutien de ses homologues des trois pays baltes, des Etats nordiques (Danemark, Finlande, Suède) et de l’Irlande.

Pour sa part, l’Allemagne est, comme toujours, en position d’arbitre. Elle ne dit pas non à un budget de la zone euro ni à la nomination d’un ministre européen. Elle approuve la création d’un Fonds monétaire européen. Mais elle insiste aussi, comme Mark Rutte, sur le respect de la discipline budgétaire. Bref, le débat s’ouvre entre les Dix-neuf. Les propositions de la Commission devront être précisées, amendées, complétées pour que les points de vue se rapprochent. Et beaucoup de malentendus devront être dissipés pour qu’un accord soit possible.