Deux femmes, une Allemande et une Française, vont occuper les deux principaux postes de l’Union européenne. L’Allemande, Ursula von der Leyen, assurera la présidence de la Commission et la Française, Christine Lagarde, celle de la Banque centrale. Double symbole. Celui de la parité d’abord : jamais ces deux institutions n’avaient été dirigées par des femmes. Celui de la coopération franco-allemande ensuite : en se partageant les deux fonctions les plus importantes de l’UE, les deux pays redonnent au moteur franco-allemand un rôle-clé dans la relance de l’Europe, au moment même où les relations entre Emmanuel Macron et Angela Merkel semblaient s’être détériorées.
Leur brouille passagère effacée, le président français et la chancelière allemande ont mené le jeu à Bruxelles. Dans un premier temps, ils ont défendu la candidature du social-démocrate néerlandais Frans Timmermans à la présidence de la Commission mais ils se sont heurtés au double refus du PPE, le parti conservateur européen, qui insistait pour que le successeur de Jean-Claude Juncker fût issu de ses rangs, et des pays du groupe de Visegrad, la Hongrie en tête, qui refusaient de se rallier à celui qui, comme premier vice-président de la Commission sortante, avait instruit leur procès pour atteintes à l’Etat de droit. Emmanuel Macron et Angela Merkel ont alors sorti de leur poche et fait accepter par leurs partenaires le nom d’Ursula von der Leyen, une proche de la chancelière allemande, complété par celui de Christine Lagarde.
Le choix de ces deux personnalités a certes laissé un goût amer à ceux qui avaient de bonnes raisons de croire à leurs chances, à commencer par Frans Timmermans, que l’on désignait avant la rencontre comme le grand favori. De même la Danoise Margrethe Vestager, jeune et brillante commissaire à la concurrence, et le Français Michel Barnier, solide négociateur du Brexit, dont les noms avaient été souvent cités, ne pouvaient qu’être déçus par l’issue de la négociation. Mais Ursula von der Leyen, quoique critiquée en Allemagne pour son bilan à la tête du ministère de la défense, offrait le double avantage d’être une femme et d’appartenir au PPE, le groupe majoritaire au Parlement européen, comme Christine Lagarde elle-même, proche, sinon membre, du parti conservateur en tant qu’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy.
Les deux nouvelles présidentes ont surtout pour elles d’être au cœur de l’axe franco-allemand, une position qui renforcera leur autorité et augmentera leur pouvoir d’influence dans l’exercice de leurs fonctions. Avec le Belge Charles Michel à la présidence du Conseil européen et l’Espagnol Josep Borrell à la tête de la diplomatie, deux habiles négociateurs et deux fervents partisans de la construction européenne, la nouvelle équipe paraît bien armée pour combattre les populismes et redonner vie au projet européen.