Le début de la fin pour Angela Merkel

Selon un sondage publié le dimanche 11 février, une majorité d’adhérents du Parti social-démocrate serait favorable à l’accord de coalition qui a été passé avec la démocratie-chrétienne. Les 463 723 membres du SPD doivent se prononcer par correspondance entre le 20 février et le 2 mars. Le résultat sera connu deux jours plus tard.
Cependant la formation d’une nouvelle grande coalition — GroKO — a déjà fait une victime en la personne de Martin Schulz. L’ancien président du Parlement européen a dû renoncer à devenir ministre des affaires étrangères après avoir abandonné la tête du SPD. Chez les démocrates chrétiens les critiques se font aussi de plus en plus nombreuses contre Angela Merkel qui devrait commencer son quatrième mandat de chancelière avec une popularité largement entamée.

Vers le mandat de trop ?
FAZ

Les temps changent vite ! Présumée pratiquement imbattable il y a encore un an, la Angela Merkel se trouve aujourd’hui en „lame duck“, en fin de carrière, pour reprendre l’expression utilisée pour le président américain en fin de second mandat. Acclamé comme le sauveur de la social-démocratie voilà encore quelques mois, Martin Schulz, rival malheureux d’Angela Merkel pour la chancellerie, vient de mettre fin à toute ambition politique. Le paysage politique allemand, après les élections parlementaires du 24 septembre dernier, est bouleversé.

Il aura fallu plus de cinq mois après le verdict des électeurs pour qu’Angela Merkel puisse pouvoir prêter serment, au mois de mars, pour son quatrième mandat à la tête du gouvernement fédéral. Et encore, rien n’est sûr. Les adhérents du Parti social-démocrate (SPD) doivent d’abord approuver le contrat de coalition négocié avec les chrétiens-démocrates de la chancelière (CDU) et sa branche bavaroise (CSU). 463 723 membres du SPD sont appelés à se prononcer par correspondance du 20 février jusqu’au 2 mars. Les résultats seront connus le 4 mars. Est autorisée à voter toute personne de plus de 14 ans, membre du parti, indépendamment de sa nationalité (le droit de vote aux élections fédérales est réservé aux citoyens allemands à partir de 18 ans). Leur vote est loin d’être acquis. Une majorité du „non“, aussi faible soit-elle, mettrait fin définitivement à toute possibilité de coalition du SPD avec Angela Merkel.

« L’après-Merkel » a commencé

Quel que soit le résultat, le débat sur „l’après-Merkel“ a commencé. Le 26 février, la chancelière doit obtenir l’accord d’un congrès extrordinaire de la CDU pour la nouvelle mouture de la grande coalition. Quelle sera sa majorité ? Personne ne doute que le vote sera positif mais le rapport des forces entre le « oui » et le « non » sera scruté attentivement pour connaitre ce qui reste de popularité à Angela Merkel dans son propre parti.
Car nombre de membres de la CDU sont mécontents du résultat de plusieurs mois de négociations. Elle a d’abord traité avec les libéraux du FDP et les Verts pour former une coalition dite „jamaïcaine“ (noir, jaune, vert). Elle a échoué.
Ce n’est qu’en début d’année qu’elle a pu commencer des consultations avec le SPD pour un nouveau contrat de coalition que le SPD avait exclu après sa défaite aux élections de septembre 2017. Elle y est arrivée début février, mais tout de suite elle s’est trouvée confrontée à une forte critique de son propre parti. Si le SPD et d’ailleurs aussi la CSU bavaroise peuvent à juste titre se prévaloir de nombreux succès dans les négociations, la CDU a du mal à se retrouver dans ce contrat de gouvernement. Comme l’a tweeté un député CDU : „Au moins, on a la chancellerie.“

Pas de nouvel élan

Mais pour quoi faire ? Le contrat de gouvernement intitulé „Nouvel élan pour l’Europe, nouvelle dynamique pour l’Allemagne, nouvelle cohésion pour notre pays“ n’a été perçu ni dans les partis politiques concernés ni dans l’opinion allemande comme un programme pour un nouvel élan ou une nouvelle dynamique. Du côté CDU, on regrette surtout la perte du ministère des finances au profit du SPD et celui de l’intérieur au profit de la CSU. Du côté SPD, on s’est précipité pour annoncer que son président, Martin Schulz, avait l’intention de devenir ministre des affaires étrangères, écartant son prédécesseur à la tête du parti, Sigmar Gabriel, qui se trouve pourtant au sommet des sondages de popularité.
En même temps, les Jusos, organisation de jeunesse du SPD, ont lancé une campagne pour le „non“ à la grande coalition. Martin Schulz a renoncé à la présidence du parti d’abord puis au ministère des affaires étrangères, pour tenter de sauver l’accord avec la CDU-CSU. Le SPD est en larmes ; en larmes de colère pour les uns, en larmes de tristesse pour les autres.
Les doutes sur les états d’âme des adhérents sociaux-démocrates n’en sont pas écartés pour autant. Bien au contraire. Seule la CSU se réjouit car son président Horst Seehofer, en difficulté dans son fief de Bavière, devient ministre de l’intérieur, en charge des questions de sécurité, d’immigration et de « Heimat » (la petite patrie) – domaines où il s’est toujours trouvé en opposition avec Angela Merkel.

Hésitations

Depuis l’été dernier, les bouleversements du paysage politique allemand dépassent l’imagination la plus fertile. Début 2017, la chancelière paraissait certes fatiguée, fatiguée des batailles de l’année précédente sur l’immigration et la xénophobie avec la CSU, depuis qu’en septembre 2015 elle avait ouvert les frontières aux réfugiés. Elle hésitait à se représenter pour un quatrième mandat. Avec la candidature à la chancellerie de Martin Schulz et l’enthousiasme – éphémère – autour de cette candidature, elle se sentait, pour la première fois, vraiment menacée. Mais après les succès de la CDU dans les trois élections régionales au printemps de 2017, surtout en Rhénanie du Nord-Westphalie, fief traditionnel du SPD, Angela Merkel s’était reprise. Une nouvelle victoire aux élections fédérales le 24 septembre semblait acquise.

Rien ne s’est passé comme prévu. Non seulement le SPD a reculé de 5 points, obtenant son plus mauvais résultat depuis 1949, mais la CDU a perdu encore plus de voix sans parler de la CSU bousculée par le parti d’extrême-droite, AfD. Celle-ci faisait son entrée au Bundestag et les libéraux y revenaient après avoir échoué en 2013 sur la barre des 5 %. Rien n’était perdu pour autant. Avec l’appoint des libéraux, Angela Merkel allait pouvoir former la coalition dont elle rêvait avec les écologistes, garantissant à l’Allemagne « un nouveau départ » après l’épuisement de la grande coalition, sanctionnée par les électeurs.
L’échec de la coalition « jamaïcaine » a beau être imputé pour une large part aux libéraux, il n’en reste pas moins qu’Angela Merkel a raté son objectif.
Son habileté de négociatrice a été mise en cause. Elle avait perdu son aura, sa capacité à convaincre ses interlocuteurs et à concilier les contraires. Le doute s’installait. Parviendrait-elle à faire changer d’avis le SPD et à former un gouvernement que ni le SPD, ni la CDU ne voulaient vraiment ? Un moindre mal par rapport à de nouvelles élections que les deux grands partis redoutaient encore plus. Plus rien n’était sûr, pas même une nouvelle candidature d’Angela Merkel. En cas de scrutin anticipé.
De nombreux responsables de la CDU se plaignent que leur parti soit devenu une coquille vide et commencent à spéculer sur longévité du mandat d’Angela Merkel qui s’annonce. On annonce sa fin avant même qu’il ait commencé.