Les élections en Sarre offrent une bouffée d’air à Angela Merkel

La Sarre a ouvert, le dimanche 26 mars, une année électorale chargée en Allemagne, avec des scrutins au Schleswig-Holstein le 7 mai et en Rhénanie-Westphalie le 14 main avant les élections législatives fédérales du 24 septembre. En accordant à la démocratie-chrétienne 40,7% des voix, soit 5 points de plus qu’en 2012, les électeurs sarrois ont apporté une bouffée d’air à la chancelière Angela Merkel. Les sociaux-démocrates stagnent à 29,6%, la gauche radicale Die Linke atteint 12,9% et le parti populiste AfD (Alternative für Deutschland) fait son entrée au Landtag de Sarre avec 6% des suffrages, alors que les Verts et les libéraux échouent avec respectivement 4% et 3,5%.

Angela Merkel et Annegret Kramp-Karrenbauer
Der Spiegel

Petit Etat à l’extrême ouest de l’Allemagne, la Sarre n’est pas représentative de l’ensemble du pays. Et pourtant tous les regards étaient tournés vers Sarrebruck, le dimanche 26 mars, car les élections régionales étaient le premier test de l’année dans la perspective du scrutin national du 24 septembre. C’était aussi la première consultation depuis que Martin Schulz a accédé à la présidence du SPD, le Parti social-démocrate, pour défier Angela Merkel dans la course à la chancellerie.

Pas de coalition rouge-rouge-verte

La gauche allemande s’était fixé un objectif implicite : renverser le rapport de forces favorables à la démocratie chrétienne qui dirigeait une grande coalition avec le SPD et créer, pour la première fois dans un Land, une alliance rouge-rouge-verte, dite encore « R2-verte » , c’est-à-dire un gouvernement des sociaux-démocrates, de la gauche radicale die Linke et des écologistes. La Sarre a été longtemps le fief d’Oskar Lafontaine qui a quitté le SPD en 1999 pour fonder die Linke. Une coalition « R2-verte » aurait été un signal pour toute l’Allemagne.
On est loin du compte. La gauche stagne, voire recule avec l’éviction du Parlement régional des Verts qui ont échoué sur la clause des 5%. Les sondages lui avaient laissé quelque espoir mais loin d’être affaiblie la démocratie-chrétienne, emmenée par Annegret Kramp-Karrenbauer, surnommée « la Merkel sarroise » pour son pragmatisme et sa modération, gagne au contraire des points. Annegret Kramp-Karrenbauer devrait pouvoir former le prochain gouvernement, sans doute encore une grande coalition avec le SPD qui n’aura guère d’autre choix.

Faire taire les critiques

Angela Merkel peut respirer. Un mauvais résultat, a fortiori une défaite de la CDU en Sarre, aurait constitué un handicap pour la campagne nationale alors que ses propres amis politiques critiquent sa politique vis-à-vis des réfugiés ou se demandent si l’usure du pouvoir ne risque pas de leur jouer un mauvais tour en septembre. Les échéances au Schleswig-Holstein et en Rhénanie-Westphalie, deux Länder gouvernés par le SPD, seront cruciales mais la CDU commence cette année électorale sur une bonne nouvelle.
D’autant plus que « l’effet Schulz » perceptible dans les sondages depuis que l’ancien président du Parlement européen a pris la tête des sociaux-démocrates ne s’est pas vérifié en Sarre. D’après les enquêtes d’opinion réalisées à l’occasion de ces élections, les Sarrois se félicitent à 72% du « vent d’air frais » que Martin Schulz fait souffler sur la politique allemande. Le même pourcentage approuve sa volonté d’adoucir la réforme du marché du travail inauguré en 2003 par Gerhard Schröder et poursuivie par Angela Merkel. Près des deux tiers plébiscitent la réaffirmation du clivage gauche-droite. Toutefois ces bons points ne se concrétisent pas dans les urnes. De plus, la CDU a été capable de mobiliser en sa faveur les abstentionnistes puisque la participation a augmenté de plus de 8 points par rapport au scrutin précédent, pour atteindre 71%.
Même si une extrapolation au niveau national est sujette à caution, les sociaux-démocrates peuvent se demander si les bons sondages dont bénéficient Martin Schulz – il fait jeu égal avec Angela Merkel pour le poste de chancelier et le SPD a gagné 10 points dans les intentions de vote – ne sont pas trompeurs six mois avant l’échéance.

Une consolation pour Martin Schulz ?

Malgré la déception des sociaux-démocrates sarrois, le résultat a malgré tout un bon côté pour Martin Schulz, estime le magazine Der Spiegel. Il écarte l’hypothèse d’une coalition « R2-verte » à Sarrebruck, qui aurait pu être interprétée comme les prémisses d’une coalition de même type au niveau fédéral. La démocratie-chrétienne aurait alors concentré ses attaques contre un candidat chancelier soupçonné de vouloir créer une « République de gauche » en accord avec les « crypto-communistes » de die Linke, dans un pays qui se méfie majoritairement des extrêmes.
Libéré de ce handicap, Martin Schulz peut laisser toutes les options ouvertes, y compris celle qui a sans doute sa faveur : toujours une grande coalition mais cette fois sous la direction du SPD si celui-ci arrive à dépasser les démocrates chrétiens.