Les nouvelles figures de l’Union européenne

Les nouvelles équipes se mettent en place à la tête des institutions européennes. Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission, Charles Michel à celle du Conseil européen, Christine Lagarde à celle de la Banque centrale européenne vont tenter de redonner à l’Union européenne l’élan qu’elle a perdu. De nouvelles têtes vont aussi se faire connaître au Parlement. Mais ce sont les chefs d’Etat et de gouvernement qui garderont l’ultime pouvoir de décision.

Ursula von der Leyen, Charles Michel, David Sassoli, les présidents de la Comission, du Conseil et du Parlement européens, le 1er décembre
AFP / Kenzo TRIBOUILLARD (détail)

Avec le renouvellement des organes dirigeants de l’Union européenne, de nouvelles personnalités vont apparaître sur le devant de la scène. Elles porteront, dans les années à venir, la responsabilité d’une éventuelle relance de la construction européenne. Cette relance, beaucoup la demandent sans aller parfois au-delà des bonnes paroles. Il appartiendra aux nouvelles figures du Parlement, de la Commission, du Conseil, de la Banque centrale de prouver que le réveil de l’Europe est bien à l’ordre du jour.

Les ambitions du Parlement

Le Parlement a montré sa force en rejetant la candidature de trois postulants au poste de commissaire, dont celle de la Française Sylvie Goulard, et en n’acceptant que de justesse celle de la nouvelle présidente, Ursula von der Leyen, avant de donner son aval, à une large majorité, à la nouvelle Commission. Il faudra donc compter avec lui et avec ses principaux chefs. A sa tête, le social-démocrate italien David Sassoli aura la lourde tâche de coordonner les travaux d’une assemblée morcelée, dans laquelle les deux grands groupes des conservateurs et des sociaux-démocrates n’ont plus la majorité. Il a annoncé sa volonté de « relancer le processus d’intégration » et de « changer » l’Union afin qu’elle réponde « de façon plus efficace » aux besoins des citoyens européens. Les « transformations capitales » que connaît l’Europe appellent, a-t-il dit, « des idées nouvelles et du courage ».

Les groupes politiques du Parlement européen auront à cœur de répondre à cette vaste ambition. A la présidence du groupe conservateur du PPE, qu’il occupait déjà dans le Parlement sortant, l’Allemand Manfred Weber, lorsqu’il aura fini de remâcher sa déception d’avoir été écarté de la présidence de la Commission par Emmanuel Macron, aura un rôle important à jouer. Il en ira de même de la nouvelle présidente du groupe socialiste, l’Espagnole Iratxe Garcia Pérez, qui fait de la lutte contre les inégalités la priorité de son action pour que l’Europe retrouve « son âme sociale ». Le groupe libéral, rebaptisé Renew, au sein duquel siègent les élus de la République en marche, s’est donné pour mission, sous la présidence du Roumain Dacian Ciolos, de « renouveler l’Europe ». Enfin, au nom de « l’état d’urgence climatique », le groupe des Verts, sous la coprésidence de l’Allemande Ska Keller et du Belge Philippe Lamberts, qui exerçaient les mêmes fonctions sous la précédente législature, sera le moteur du combat écologique que la présidente de la Commission a placé au premier plan de son programme.

Ursula von der Leyen et les autres

La Commission a fait également appel à de nouvelles têtes, dont on peut attendre qu’elles contribuent au renouveau de l’Europe, en prenant les initiatives dont celle-ci a besoin. La plus inattendue est assurément Ursula von der Leyen, préférée à Manfred Weber pour la présidence. Ministre de la défense dans le gouvernement de grande coalition en Allemagne, après avoir été ministre de la famille, puis du travail, elle a l’expérience et l’autorité nécessaires pour mener à bien la tâche difficile qui l’attend. Son agenda est ambitieux, axé sur la transition écologique, la promotion du numérique, le renforcement de la zone euro, l’affirmation de l’Europe sur la scène internationale, la défense de la démocratie. S’il est trop tôt pour dire si elle sera capable de faire vraiment progresser l’Europe sur ces questions, elle a plutôt bien réussi ses débuts en mettant en place la nouvelle Commission.

Ursula von der Leyen a décidé de s’appuyer sur trois vice-présidents exécutifs qui auront pour mission de donner les impulsions voulues dans les domaines dont ils auront la charge. Ces trois personnalités tiendront un rôle-clé auprès de la présidente. L’une, le socialiste néerlandais Franz Timmermans, qui était le numéro 2 de la Commission sortante où il a défendu avec éclat l’Etat de droit face à la Hongrie et à la Pologne, avant d’être le candidat des socialistes européens pour la présidence de la Commission, sera chargé du dossier crucial de l’écologie. Mme von der Leyen a en effet confié à cet ancien ministre des affaires étrangères des Pays-Bas ce qu’elle a appelé le « Green Deal », c’est-à-dire le verdissement des politiques européennes en conformité avec les objectifs climatiques que s’est fixés l’UE.

Le deuxième vice-président sera une vice-présidente. La libérale danoise Margrethe Vestager a déjà acquis une certaine notoriété comme commissaire à la concurrence dans la Commission Juncker. Elle s’est attaquée avec vaillance aux abus fiscaux des multinationales, en particulier des groupes américains de l’Internet. Elle va continuer son combat en ajoutant à la concurrence l’adaptation de l’Europe à l’ère numérique. Elle trouvera une fois de plus les GAFA sur son chemin. Le troisième vice-président est moins connu. Le conservateur letton Valdis Dombrovskis a été premier ministre dans son pays. Dans la précédente Commission, il avait pour portefeuille l’euro et le dialogue social. Auprès de Mme von der Leyen, il supervisera tout ce qui concerne « l’économie au service des gens », ce qui représente un champ immense, de la gestion de l’Union économique et monétaire à la coordination des investissements. Ecologie, numérique, économie : voilà le trépied sur lequel reposera le travail de la Commission.

Charles Michel à la manoeuvre

Ni le Parlement ni la Commission, on le sait, ne sont les principaux décideurs en Europe. C’est le Conseil européen, réunion des chefs d’Etat et de gouvernement, qui détient le véritable pouvoir. La présidence en est désormais assurée par l’ancien premier ministre libéral belge Charles Michel, qui a remplacé son homologue polonais Donald Tusk. Il lui faudra mettre en œuvre sa science du compromis et de la diplomatie qu’il a rodée à la tête du gouvernement belge. Les chefs d’Etat et de gouvernement sont en effet divisés : c’est à Charles Michel qu’il reviendra de tenter de surmonter les divergences entre les 27 et de concilier des opinions contradictoires. A noter que les présidences tournantes de l’année 2020 – la Croatie du premier ministre Andrej Plenkovic suivie de l’Allemagne de la chancelière Angela Merkel – auront aussi pour responsabilité de rapprocher les points de vue des Etats membres.

En définitive, les principaux acteurs du jeu européens resteront les chefs d’Etat et de gouvernement, à commencer par le duo franco-allemand. Comme celle d’Angela Merkel, la figure d’Emmanuel Macron demeure incontournable. D’autres fortes personnalités, comme le Hongrois Viktor Orban ou le Polonais Jaroslaw Kaczynski auront également leur mot à dire et ne se priveront pas de le faire. Enfin, une nouvelle venue, la Française Christine Lagarde, devra faire ses preuves à la présidence de la Banque centrale européenne, où elle prend la relève de l’habile et inventif Mario Draghi. Difficile succession pour l’ancienne directrice générale du FMI.