C’est une référence passée inaperçue dans le discours remarqué d’Ursula von der Leyen sur l’état de l’Union. La présidente de la Commission a annoncé la mise sur pied d’un « nouveau Bauhaus européen » : « Un espace de co-création où architectes, artistes, étudiants, ingénieurs, designers travaillent ensemble ». Il s’agit d’assortir le Pacte vert, que son discours a voulu remettre en tête de l’agenda européen, d’une dimension culturelle urbanistique. Et ainsi d’imprimer à la transition écologique et en particulier à la vague de rénovation des bâtiments qu’elle comporte, « son esthétique propre », selon les mots d’Ursula von der Leyen.
Il faut sans doute être de culture allemande pour citer le Bauhaus, cette école d’architecture et de design aussi brillante qu’éphémère qui marqua la République de Weimar avant que les nazis ne considèrent son art comme « dégénéré ». Le projet concret de la Commission reste encore très flou mais la référence s’avère pertinente aujourd’hui pour l’Europe pour au moins cinq raisons.
L’esprit du Bauhaus est d’abord synonyme d’interdisciplinarité. L’école devenue un mythe faisait travailler ensemble artistes et artisans, sans hiérarchie entre art et technique. La relance économique européenne appelle une collaboration large entre pouvoirs publics, à tout échelon, et différents corps de métier autour d’un même projet. L’objectif n’est pas le saupoudrage de chaque silo mais bien de faire œuvre collective, chacun apportant sa pierre à l’édifice.
Le Bauhaus renvoie aussi à une certaine frugalité. Non pas au sens des Etats qui ont raboté le cadre budgétaire européen toujours à finaliser mais dans son sens originel. Le Bauhaus est minimaliste. Il a l’élégance sobre, un style dépouillé. Il s’appuie sur le recyclage des matériaux. Ses pratiques peuvent sans doute inspirer de nouveau la mise en œuvre du Pacte vert européen.
Le Bauhaus a également une visée sociale. Son design se voulait accessible au plus grand nombre, approche qui influencera plus tard feu Terence Conran. Le pressant défi de la relance européenne est d’être bénéfique rapidement pour tous alors que la hausse du chômage gagne l’Europe.
L’école allemande a aussi été remarquée pour sa créativité. Celle dont notre Union doit faire preuve dans des temps aussi chahutés et imprévisibles que ceux induits par la pandémie, le changement climatique et le désordre international. Nos manières de travailler, d’être mobiles et de se chauffer sont en train de radicalement évoluer et appellent des solutions innovantes et une recherche européenne à la hauteur du défi.
En même temps, le Bauhaus est porteur d’identité. Ses bâtiments comme ses objets se reconnaissent au premier coup d’œil. Ses concepteurs tiraient du neuf à partir du vieux, revisitaient des pratiques ancestrales. A l’heure où l’insécurité culturelle inquiète des franges entières parmi les populations en Europe, celle-ci peut puiser dans sa façon propre de relancer son économie et dans ses nouvelles tentatives d’affirmation dans le monde de quoi devenir plus identifiable.
Nous ne savons pas si l’esprit du Bauhaus s’est emparé du 13e étage du Berlaymont (bureau de la présidente au siège de la Commission) mais il peut être inspirant pour l’Europe de notre temps